samedi 22 mars 2025

FORMIS - BESTIARIUS


Avec désormais cinq albums à son actif, puisque Bestiarius vient de paraître via le label Defense Records, Formis ne s'est pas beaucoup reposé depuis qu'il a été fondé en 2010 dans le sud de la Pologne. Le groupe a beau avoir subi de nombreux chamboulements dans son effectif (il changea notamment trois fois de chanteur), il n'en demeure pas moins fidèle au death/thrash de la vieille école qu'il tricote avec soin depuis ses débuts et que l'on retrouve bien entendu sur les huit morceaux qui composent cet opus, dont Wieszczy, que voici.

VIDÉO : LAME - MAUDAHEZ


Lame a surgi fin 2023 en dévoilant une démo 5 titres orientée vers un blackened death metal comportant des éléments venant du hardcore. Depuis, le groupe toulousain poursuit ses efforts et s'est lancé notamment dans le tournage d'un clip pour Maudahez, morceau refermant la démo et, à mes yeux, un des plus aboutis de cette jeune formation à qui il faut laisser le temps de mûrir tranquillement. Le fruit de ce labeur est à visionner ci-dessous.

ESCARNIUM - RELENTLESS KATABASIS


Actif depuis 2008, Escarnium va sortir le 9 mai son quatrième album studio, Inexorable Entropy, sur le prolifique label transalpin Everlasting Spew Records. Comme de coutume, le groupe brésilien propose un death metal old school délétère et lugubre s'exprimant dans toute sa plus noire splendeur sur le morceau Relentless Katabasis, en écoute dès maintenant.

vendredi 21 mars 2025

HORRENDUM VERMIS - CULTES DES GHOULES


Basé à Bahia Blanca (ville récemment frappée par des inondations ayant fait plus de quinze victimes), dans la province de Buenos Aires, Horrendum Vermis n'a pas chômé depuis sa création en 2014, le groupe argentin comptant trois albums à son actif. Il faudra bientôt en ajouter un quatrième puisque Temple Ov Morbid Divinities arrive le 21 mars via le label Iron Blood and Death Corporation. Le groupe nous en livre un aperçu avec Cultes Des Ghoules, morceau imposant s'inscrivant dans un death occulte situé entre tradition et modernité.

SAWED APART - BONE HARVESTER


Nous avons déjà dit dans la rubrique Into the Crypt tout le bien que nous pensons de Sawed Apart, épatant groupe du Connecticut adepte de la méthode du do it yourself. Ainsi, sur leur premier EP, Bone Harvester, c'est le batteur de la formation, Kurt Scameheorn, qui a géré toute la partie ingénierie, mixage, production et enregistrement, tandis que la bassiste Alexa Marie a dessiné la pochette. On retrouve sur cet EP deux nouveaux morceaux, en plus des deux que nous avions découvert l'année dernière, toujours dans un trip death old school cryptique.

CHRONIQUES DE LA FOSSE : THE CHAMBERLAIN - DRACONIAN MAGICK (2025)


À un rythme soutenu, et alors que sa cote de popularité semble toujours au beau fixe, le metal symphonique poursuit tranquillement sa route dans l'industrie musicale, porté par l'expérience de groupes vétérans de la scène et suscitant des vocations chez les plus jeunes. Présent depuis longtemps dans la frange extrême du genre, il s'est notamment émancipé et forgé une identité à part entière au sein de la scène black metal en étant initié par Emperor, Dimmu Borgir et Limbonic Art dans la Norvège du milieu des années 90. C'est du pays voisin, la Finlande, de Turku précisément, qu'est apparu en 2023 The Chamberlain, une nouvelle formation montée par des membres de Norrhem, Aesthus, Malum et Infernarium, des groupes de black metal radicaux à la solide expérience appartenant à la scène underground finnoise. De la radicalité, il en est moins question ici même si, l'année de sa fondation, le quatuor avait fait paraître une démo, Dominus Noctis, très axé vers un black metal satanique dans lequel les mélodies étaient déjà présentes.

Sur Draconian Magick, opus inaugural paraissant sur le label Out of the Dungeon, les finlandais reprennent les choses là où ils les avaient arrêtées il y a environ deux ans, l'album se proposant d'être une sorte de voyage immersif dans l'univers de la dark fantasy, ce sous-genre de la fantasy décrivant des ambiances sombres où le mal prend le pas sur le bien, dans des dimensions proches de l'horreur. The Chamberlain exécute son œuvre à la manière d'un peintre méticuleux faisant attention aux moindres détails. Après une ouverture instrumentale à caractère mystérieux, lugubre et cinématique, aux accents mystiques, le groupe nous fait tout de suite entrer dans le vif du sujet avec Empyreal Legions, morceau épique par excellence, symphonique dans son approche, laissant la part belle aux claviers, tandis que Magister Lucifugus, le vocaliste, se met à déclamer les premières strophes à la façon du Ihsahn des plus grandes heures d'Emperor. S'ensuit un Wings of Leather grandiose dont les imparables et impériales mélodies, d'une amplitude très aérienne, révèlent des atours mélancoliques et ensorcelants qui en font à n'en pas douter le morceau le plus abouti de cet opus. Sur des titres plus longs, comme l'éponyme Draconian Magick, d'une durée de près de neuf minutes, le groupe laisse libre cours à une inspiration virevoltante lui ouvrant les voies d'un black metal plus haineux et plus brutal ne se dépareillant pas pour autant de ses irrésistibles symphonies et sans soute plus inspiré de Vargrav ou de Carach Angren. Puis, avant que le coup de grâce ne soit porté dans le grand final de Enter the Pandemonium, morceau homérique aux imposantes structures, le combo scandinave se permet un petit coup d'audace en délivrant sur On the Path of Reckoning des passages majestueux, plus lents, lorgnant vers un power heavy metal de la vieille école que l'on devine aussi dans certaines sections de Rise of the Chamberlain, même si le black metal symphonique finit toujours par reprendre le dessus, cela va de soit.

Si The Chamberlain ne réinvente rien sur Draconian Magick, le groupe a cet immense mérite, par son indéniable créativité, à demeurer fidèle à l'esprit du black épique des années 90 en n'essayant pas d'en faire plus qu'il n'en faut afin de ne pas dénaturer le genre et d'en préserver toute la saveur originelle. La réussite est au rendez-vous sur ce premier chapitre dont on espère une suite tout aussi réjouissante.

INTO THE CRYPT : CARRION FEEDER - LET THE FEEDING BEGIN


Il y a six ans, le 24 mars 2019, l'acteur américain Jospeh Pilato s'éteignait à Los Angeles à l'âge de soixante-dix ans. Le seul souvenir que j'ai de lui (j'imagine que je ne dois pas être le seul dans ce cas) est son rôle inoubliable du capitaine Henry Rhodes dans Le Jour des morts-vivants, le film d'horreur de George Romero sorti en 1985. Le personnage y subit une mort particulièrement horrible (et méritée, diront certains, au vu de son comportement irascible et profondément irrespectueux) en étant éviscéré puis, coupé en deux par une horde de zombies lors d'une des séquences les plus gore de l'histoire du cinéma d'horreur. La scène m'avait d'ailleurs tellement choqué et écœuré que je mis un certain temps à regarder de nouveau des films du même genre, même si je m'en suis remis depuis, je vous rassure.

Si j'évoque ce souvenir, c'est parce que le pauvre gars que l'on voit les tripes à l'air et qui semble servir d'en-cas à une autre personne (qui pourrait être un zombie ou alors un psychopathe adepte du cannibalisme) sur la pochette du premier EP de Carrion Feeder, le bien nommé Let the Feeding Begin, m'a tout de suite fait penser à ce cher capitaine Rhodes et au sort peu enviable qu'il endure dans Le Jour des morts-vivants. J'ignore si le groupe a lui aussi pensé à ce film mais, quoi qu'il en soit, l'auteur de cette représentation, qui serait un proche de Carrion Feeder prénommé Mark, est à saluer bien bas pour cette œuvre macabre et brutale. Alors, du fond du cœur, merci Mark.

Côté musique, Carrion Feeder a là aussi touché un point sensible. Originaire de l'État de l'Indiana où il fut fondé en juin de l'année dernière, le quatuor dévoile un réel potentiel dans la pratique d'un death metal tout ce qu'il y a de plus... death. Autrement dit, un death transpirant la vieille école par tous les pores, résolument tourné vers les années 90, jusque dans sa production, à l'ambiance horrifique et crasseuse, cela va de soit, mais avec un petit truc en plus, à savoir une approche assez rock dans sa structure qui peut faire indubitablement songer à du death'n'roll à la Entombed période Wolverine Blues pour mieux situer les choses. Le groupe est en tout cas très à l'aise dans ce créneau sur les six morceaux proposés ici, à tel point qu'on a l'impression qu'il possède déjà plusieurs années d'expérience derrière lui. Et pourtant, quand vous aurez l'occasion d'aller voir les photos qu'ils ont mis en ligne sur leur Facebook ou celle qui fait figure de présentation sur Metal Archives, vous allez découvrir une bande de gamins insouciants qui ne doivent pas avoir plus de dix-huit ans. La vie est décidément pleine de surprises.


Le capitaine Rhodes (Joseph Pilato) en prend pour son grade dans "Le Jour des morts-vivants".

UNE DOSE DE BRUTALITÉ : MALIGNANCY / DYSMORPHIA / GRAFTED / ASSIMILATED TRANSDIMENSIONALIZATION / THANATOPHOBIA


L'intelligence artificielle dominera-t-elle à court ou moyen terme l'industrie musicale ? Malignancy, vétéran de la scène brutal death metal nord-américaine, a suscité une levée de boucliers après avoir mis en ligne un clip (visible ci-dessous) pour Biological Absurdity, morceau extrait de l'album ...Discontinued paru l'année dernière chez Willowtip Records, et pour lequel les images ont été, semble-t-il conçues à grand renfort d'IA. Nous n'allons pas faire un énième débat ici, ce n'est de toute façon pas le but de ce site, mais en rester au domaine musical, l'album, le cinquième du groupe de Yonkers fondé en 1992, étant très réussi. Pendant ce temps-là, la vivacité de la scène texane continue de produire ses effets. Depuis sa base de Dallas, Dysmorphia dévoile un premier aperçu de son nouvel EP (le troisième), Morbid Atrocities, avec le morceau intitulé Filet O' Flesh. On est dans un registre plus vieille école du death metal avec un soupçon de hardcore sur ce EP que le label Iron Fortress Records éditera le 11 avril prochain au format CD, cassette et digital. Restons aux États-Unis, direction San Diego, Californie, où est né en 2024 Grafted, un duo de musiciens officiant dans un slam/brutal death metal de bonne facture à l'écoute de Bestowing Deranged Impulses, titre devant figurer sur le premier album du groupe, Ingesting the Celestial Delegate, venant tout juste de paraître. À noter que l'opus contient une reprise de Spinning in Agony, single conçu par le groupe Brodequin. Quand est-il de la bonne vieille Europe ? Assimilated Transdimensionalization (à vos souhaits) est le projet solo de l'artiste hongrois Kara Tisza, en provenance de Budapest. Sur son premier EP 4 titres, Xenobiotic Annihilation Doctrine, paru le 15 mars, l'homme montre sa dextérité et sa créativité en concevant un death très brutal ponctué d'audacieuses parties techniques. Rendez-vous sur le Bandcamp du monsieur pour écouter dans leur intégralité ces quinze minutes de violence sonore. Thanatophobia est loin d'être un inconnu sur la scène BDM. Le duo basé dans l'est de l'Europe a enquillé trois albums entre 2022 et 2023, et revient ce mois-ci avec un quatrième chapitre colossal, Twilight Space Theatre, chapeauté par le label Lord of the Sick Recordings. Ceux qui connaissent le groupe ne seront pas surpris de constater que celui-ci officie toujours dans un brutal death metal extrêmement racé, agrémenté de passages plus techniques forçant le respect. Faites vous plaisir en savourant l'intégralité de cette galette en suivant ce lien et rendez-vous prochainement pour de nouvelles aventures.

jeudi 20 mars 2025

NECROTUM - INTERNAL SCREAM


Necrotum a annoncé via ses réseaux sociaux travailler sur un album qui sera une sorte de compilation regroupant des morceaux restaurés et ré-enregistrés extraits de sa seconde démo, May the Dead Rise, parue en 2020, et de son premier album, Condemned to Burn, sorti la même année. Il me semble que le groupe roumain s'était déjà prêté à cet exercice il y a de cela cinq ans sur une compil intitulée Gore Unleashed que le petit label Unholy Worship Productions avait distribué au format cassette. Quoi qu'il en soit, voici une occasion en or de découvrir, pour ceux qui ne connaîtraient pas, le death old school du talentueux trio de Brasov et dont vous allez pouvoir goûter un aperçu avec une version relookée du morceau Internal Scream qui figurait donc à l'origine sur la démo May the Dead Rise.

CADAVERIC REMAINS - GOD OF ALL PLAGUES


Nouveau venu sur la scène sud-américaine, Cadaveric Remains ne s'embarrasse pas d'artifices sur son premier EP, God of All Plagues, qui vient de paraître, le groupe brésilien pratiquant un death metal de la vieille école des plus sincères. Pour couronner le tout, l'intégralité de cet objet, soit trois morceaux en tout, est en écoute ci-dessous.

CHRONIQUES DE LA FOSSE : NOIRSUAIRE - THE WRATH OF THE SILENT TEMPLES (2025)


Ainsi donc, la bête respirait encore sous les cendres. Brièvement inscrite à l'article de la mort, on la vit réapparaître dans les bois sombres bordant Montségur, sous la forme d'un ermite vêtu d'un châle couleur de suie, errant parmi les arbres que l'hiver avait figés. Durant les nuits glaciales, dans les ténèbres silencieuses comme des tombes, l'on pouvait entendre, en tendant bien l'oreille, les bruit sourd de ses pas dans la neige fraîche, auquel se mêlait parfois le hululement lointain d'un hibou guettant sa proie. La nouvelle parcourut villages et hameaux, portée par un vent piquant qui venait du nord : Noirsuaire était de retour.

Nouveau chapitre que la nuit elle-même semble avoir écrit sous la clarté languissante d'un croissant de lune accroché entre deux nuages, The Wrath of the Silent Temples est la signature d'un maître divulguant les secrets que cache l'obscurité. Dans les monts brumeux que l'hiver recouvre de son linceul ou dans les ruines des châteaux des vénérables ancêtres, statues de pierre pétrifiées par le temps, Noirsuaire distille son poison vampirique en invoquant les esprits des dimensions maléfiques. Tel un guerrier revenu d'entre les morts, il rassemble son armée des ombres en poussant un cri de ralliement fielleux et primitif. Adepte d'un art noir suintant des profondeurs de la terre, il en exploite les rouages complexes, en étudie les formules, dont le commun des mortels ne soupçonnerait pas l'existence, pour arriver à un résultat que bien peu réussirent à atteindre : faire naître l'excellence dans le chaos. Aidé de ses précieux acolytes, l'artiste possède l'expérience nécessaire afin de prolonger la nuit. Au son d'un black metal respirant la sincérité et ancré dans ses racines ancestrales, il sonne la charge sur The Scourge from Kisiljevo, remuant en nous les souvenirs vivaces que nous avions de lui sur ses précédents efforts, de Possessed by a Malignant Lust à By the Screams of Porphyric Seraphs en passant par Black Flame of Unholy Tradition. Les rythmiques guerrières, puissantes et vindicatives sont son apanage, à l'image du morceau qui a donné son titre à ce EP, tandis que quelque part entre radicalité et mélancolie, la créativité prend des atours plus mystiques, plus mélodiques que To Roam Among the Darkest Hounds restitue parfaitement durant six minutes d'une qualité lyrique exceptionnelle tutoyant les sommets enneigés de la chaîne pyrénéenne, quand ce n'est pas le son nostalgique et rêveur d'une orgue qui nous prend aux tripes sans crier gare.

Noirsuaire est revenu, et avec lui les vestiges d'un monde qu'on croyait effacé à tout jamais par l'usure du temps. Tendez bien l'oreille et vous entendrez peut-être le prince des ténèbres regagner sa demeure après une nuit de fureur et de sang.

mercredi 19 mars 2025

CHRONIQUES DE LA FOSSE : FORCE OF DARKNESS - TWILIGHT OF DARK ILLUMINATION (2021)


Les présentations sont-elles vraiment nécessaires ? Voilà vingt-quatre ans que Force of Darkness hante les couloirs sombres de l'underground, à proférer ses psaumes sataniques, soit plus de deux décennies sans donner le moindre signe de faiblesse et demeurant fidèle au death thrash teinté de black metal qui a toujours fait sa réputation. Évoquer Force of Darkness, c'est un peu comme pénétrer dans un temple. On y entre avec le respect qui s'impose, sans faire de vagues, et l'on se recueille, sauf qu'ici bien sûr, la certitude d'en sortir indemne s'avère très faible. Il faut dire que le groupe de Santiago du Chili, de par sa longue expérience, connaît la musique. Biberonné à la subversive scène sud-américaine de la fin des années 80 et du début des années 90, celle de Sarcofago, Vulcano, Mystifier, Mutilator, et j'en passe, le combo latino s'est toujours efforcé, avec passion, de brandir haut l'étendard du death thrash de la vieille école sans jamais dévier de sa trajectoire initiale. Ainsi dès son premier album éponyme paru en décembre 2006, le trio s'engageait dans une voie qui allait construire sa réputation de trublion. Puis, quatre ans plus tard, sur Darkness Revelation, il maintenait la cadence, bien que dans une veine plus sombre et plus occulte. Il faudra ensuite attendre onze ans pour que Twilight of Dark Illumination complète la saga, avec toujours cette inébranlable volonté de faire dans le blackened death thrash le plus vil et le plus malfaisant qui soit.

Dès le premières notes de Retribution of the Crowned Chaos, les hostilités sont lancées. Sur un rythme furieux et effréné, les chiliens sortent l'artillerie lourde en ne se privant pas de convier Deströyer 666, Sodom et Mefisto à la table des festivités, tandis que ce diable de Seb Armageddon impose sa poigne sur le premier solo de guitare envoyé. Un rythme d'enfer est ensuite maintenu sur Absolute Verb of Chaos and Darkness avant que les riffs monstrueux n'emportent tout sur leur passage à l'écoute de Sons of Hipocrisy, joyau de cet opus porté par un nouveau solo de guitare à vous dresser les poils. C'est sur ce type de compositions ultra rapides et extrêmement agressives que le talent naturel de Force of Darkness s'exprime le mieux, le combo parvenant à trouver beaucoup d'amplitude en mélangeant avec habileté la furie du thrash metal old school à l'insolence crasse du vieux black metal des années 80 auquel s'ajoute le côté plus sombre et plus malveillant du death. En toute logique, la rhétorique guerrière prend facilement le dessus dans certaines sections. On la retrouve ainsi livrée de la façon la plus primale sur Athame's Wrath, hymne war metal à part entière qui vous donnerait presque une envie d'en découdre. Il n'y a pas à rechigner, les chiliens savent varier les plaisirs. Au blackened death savamment dosé de Genesis of Evil succède le thrash sans concession de Metempsychosis et son chorus jouissif. Arrive ensuite la basse très lourde de Choronzon's Desire, plage lugubre et plus expérimentale, montée sur un rythme étonnamment lent, avant que le rouleau-compresseur ne reprenne sa marche sur le puissant Templi Serpens, très axé sur du black metal de la première génération. Enfin, il fallait bien un dernier coup d'audace pour refermer le chapitre avec Darkness Shall Prevail, longue conclusion de près de huit minutes, véritable brassage d'influences montrant sans doute l'aspect le plus créatif de ce groupe hors du commun qu'est Force of Darkness. Espérons qu'il ne faudra pas attendre dix années de plus pour un prochain album.

ANCIENT DEATH - UNSPOKEN OATH


Après Breaking the Barriers of Hope (qu'on vous faisait écouter à cette adresse), Ancient Death, le groupe de death metal du Massachusetts, dévoile un nouvel extrait de son premier album, Ego Dissolution, qui va paraître le 18 avril chez Profound Lore Records. Le morceau, assez différent du précédent, se nomme Unspoken Oath et figurera en sixième position sur l'opus qui en compte en tout huit.

SOLFATARE - DU DEUIL AFFAIRÉ


Après une démo parue en 2019 qui avait posé les bases de son black metal moderne et atmosphérique, c'est un album que va nous révéler Solfatare le 2 mai prochain. Ce premier opus s'intitule Asservis par l'espoir et sera soutenu par l'excellent label portugais Signal Rex. Le groupe bruxellois s'affaire pour en assurer la promotion en mettant en ligne un sublime morceau, Du deuil affairé, que vous pouvez écouter ci-dessous.

mardi 18 mars 2025

CHRONIQUES DE LA FOSSE : HIBERNUS MORTIS - THE MONOLITHS OF CURSED SLUMBER (2022)


Vous avez certainement déjà connu à maintes reprises ce moment précis où, juste avant d'écouter un album de death metal, vous vous dites que vous allez pénétrer en territoire hostile rien qu'en voyant la pochette. Ce sentiment m'a littéralement pris aux tripes avec Hibernus Mortis lorsque j'ai découvert l'artwork de The Monoliths of Cursed Slumber pour la première fois. Je me suis tout de suite dit que je n'allais pas être ménagé en écoutant ce deuxième opus des américains et cela s'est vérifié de manière implacable. Une fois passée l'introduction instrumentale glaçante et que résonnent les premiers accords de Endless Dawns of Somnanbulant Exorcisms, votre destin est scellé et vous savez que vous allez être soumis à rude épreuve tandis que Cesar Placeres, le vocaliste et batteur de la formation entonne d'une voix caverneuse et sinistre le premier couplet : Starless Skies / In the Night Above / Obscene Nightfalls / In my darkest hour. Des riffs râblés, épais et massifs s'abattent lourdement, tels des mastodontes sur nos frêles épaules et le monde, soudainement, devient froid.

Vingt ans. C'est le temps qu'il a fallu attendre pour voir cet album arriver. Alors que tout espoir semblait perdu, le successeur de The Existing Realms of Perpetual Sorrow, paru discrètement en 2001 en cinquante copies CD, surgissait des limbes sous l'égide du label Blood Harvest. Le terme "discrètement" n'est ici pas galvaudé étant donné que c'est l'adjectif qui convient le mieux à ce groupe fondé en 1996 à Hialeah, commune de l'agglomération de Miami. En effet, au cours de ses dix premières années d'existence, avant qu'il ne se sépare en 2006, Hibernus Mortis fit paraître une démo, Into the Thresholds of Dead Winter, en 1998 puis, le premier opus évoqué plus haut. Cesar Placeres était alors uniquement batteur tandis que le chant était assuré par Ralf Varela. Quatre ans après le split, le groupe se reconstitua mais, ne sortit absolument rien avant The Monoliths of Cursed Slumber. Durant cette période d'atermoiement, le lineup évolue. Yasser Morales réintègre le groupe en 2015 à la basse alors que Randy Piro, passé par Hate Eternal et Kult ov Azazel, en devient le guitariste. C'est avec cet effectif qu'est finalement conçu en 2022 ce second opus à l'interminable gestation.

The Monoliths of Cursed Slumber s'articule sur neuf morceaux d'une noirceur vertigineuse. Pour en saisir toutes les nuances, il faut essayer de se mettre dans la peau d'un personnage arpentant des terres de désolation et cherchant son chemin dans le néant. Pouvant à la fois se rapprocher stylistiquement d'Incantation et d'un death tourmenté à la finlandaise, Hibernus Mortis est une machine techniquement redoutable dans l'exécution, aussi à l'aise sur des rythmiques lentes que soutenues. le quatuor parvient avec une certaine habileté à varier les cadences en s'appuyant sur une production solide et des structures exigeantes qui forcent le respect. Certains morceaux laissent ainsi une impression écrasante et malsaine, à l'image de Vomitus Imperium ou Ascending the Catacombs, tandis que sur d'autres, comme Invocations of Never et To Drink the Blood of the Black Sleep, la noirceur prend une apparence plus occulte, teintée de mystère, mais néanmoins toujours ancrée dans une forme de désespoir agissant comme un cercle vicieux. D'une efficacité à toute épreuve, la section rythmique investit l'espace en prenant une envergure exceptionnelle jusqu'à la conclusion sur laquelle le groupe nous gratifie d'un long passage atmosphérique aux accents horrifiques précédant une chute ultime dans les tréfonds de l'enfer. Le rideau n'a alors plus qu'à se refermer sur un monde décharné que rien ne peut sauver de sa macabre fin.

INTO THE CRYPT : DISBURIAL - DAWN OF ANCIENT HORRORS


Bien des groupes mériteraient d'avoir plus de reconnaissance. Si je devais en dresser une liste, croyez bien que Disburial y figurerait. Fondé en 2018 à Quito, capitale de l'Équateur, ce trio sud-américain, errant dans les profondeurs obscures de l'underground, compte deux EPs à son actif, ainsi qu'une compilation sur laquelle on retrouve les deux EPs en question plus deux morceaux inédits et une reprise de Drowned du groupe Entombed figurant à l'origine sur un sampler édité par le magazine Cvlt Nation en 2020. C'est en décembre 2018 que Disburial dévoile Dawn of Ancient Horrors, son tout premier ouvrage, via le label Sounds of Satan Productions. À l'intérieur, on découvre trois morceaux d'un death metal à caractère horrifique qui n'est pas sans rappeler Autopsy. Rien de nouveau sous les tropiques, me direz-vous, et pourtant, ils se passe des choses intéressantes sur cet EP. Dans un remarquable exercice de style que certains rechigneraient à faire sans doute par peur de se vautrer royalement, le trio équatorien ne se contente pas de reproduire bêtement les codes du death metal old school. Il en capture l'essence pour la restituer telle quelle, brut, non frelatée et exposée dans toute sa radicalité.

Disons-le clairement, il n'est pas donné à tout le monde de réaliser ce genre de prodige. Faire du death metal old school de nos jours est loin d'être une sinécure quand on est un groupe jeune (je ne parle évidemment pas des sommités du genre et autres vétérans de la scène toujours en activité et maîtrisant le sujet à la perfection). Pour tous les groupes de la nouvelle génération, désireux avant tout de reprendre le flambeau en rendant hommage aux anciens, il n'est pas des plus aisé de trouver la bonne carburation. Cet aspect radical, sombre et délétère du vrai death metal underground, tel que pratiqué aux origines du genre, ne s'acquiert pas en imitant machinalement les aînés. Il faut savoir chercher dans les détails, fouiller dans les interstices et adopter une méthode de travail allant à l'encontre de ce que la production moderne propose aujourd'hui. En gros, il faut faire du vieux mais, sans le dénaturer, sans en édulcorer l'expression, avec juste ce qu'il faut de sagesse, de maîtrise, pour en garder toute la saveur d'origine. Ce travail complexe et tentaculaire, Disburial l'effectue avec brio, sans aller dans la surenchère, en s'appuyant sur les influences lui venant de Massacre et d'Autopsy (comme nous le disions plus haut) auxquelles s'ajoute un remarquable et respectueux effort de préserver un son authentique et profondément ancré dans l'histoire du death metal.

VIDÉO : JADE - SHORES OF OTHERNESS


Serait-ce Ungoliant, personnage légendaire en forme d'araignée géante crée par Tolkien, que l'on voit sur la pochette du nouvel album de Jade ? Quoi qu'il en soit, le groupe de death metal atmosphérique va dévoiler sa nouvelle offrande, Mysteries of a Flowery Dream, le 9 mai chez Pulverised Records et, à cette occasion, un clip à la cinématographie majestueuse a été mis en ligne pour le morceau Shores of Otherness, que voici.

lundi 17 mars 2025

LE CULTE DE L'UNDERGROUND : IMPRECATION OU L'HOMMAGE VIBRANT D'UN GROUPE À SON REGRETTÉ BATTEUR


Le 29 juillet 2021, Imprecation, le groupe de légende formé à Houston en 1991, était frappé par une terrible tragédie avec la perte de son batteur et claviériste Ruben Elizondo, soudainement emporté par le Covid après un combat d'un mois contre le virus. La formation texane était alors en train de travailler sur un nouveau 45 tours, comprenant deux morceaux, Wretched Majesty et Fire Salvation, sur lesquels Elizondo avait pu enregistrer ses parties de batterie et de clavier avant d'être emmené à l'hôpital. Malgré le choc émotionnel provoqué par sa disparition et le coup très rude porté aux projets du groupe, dont l'avenir devint plus qu'incertain durant cette période, Dave Herrera, vocaliste et cofondateur d'Imprecation, refusa de baisser les bras. L'année suivante, il contacta le guitariste Milton Luna qui lui rappela notamment l'existence de deux morceaux non enregistrés, Cursed into Black et Deamonium, que Ruben Elizondo avait écrit de son vivant. Avec l'aide de l'expérimenté Matt Heffner (Cruciamentum, Oath of Cruelty et ex-Cemetarian) à la batterie, les compères se remirent au travail afin de terminer ce que leur défunt ami avait commencé. Totalement revigoré, Imprecation se montra même plus ambitieux en ajoutant d'autres morceaux à sa liste. Ainsi, ils restaurèrent la version originale du single Devil's Furnace provenant des sessions studio de l'album In Nomine Diaboli, œuvre remarquable parue en 2022 chez Dark Descent Records, ainsi que le titre Ancient Portals of the Faceless Lord, qui figure à l'origine sur le split-EP sorti en 2014 avec Blaspherian, projet auquel participa Wes Weaver (et Matt Heffner également), guitariste d'Imprecation de 1992 à 1998 et qui mourut d'un arrêt cardiaque la même année que Ruben Elizondo.

Voici donc aujourd'hui la boucle enfin bouclée sous la forme d'un EP intitulé Vomitum Tempestas que le label texan Nuclear War Now! Productions éditera le 30 juin au format vinyle et que l'on peut déjà écouter dans son intégralité en version dématérialisée ci-dessous ou sur la page Bandcamp du label. Produit par le très réputé producteur Harris Johns (qui travailla notamment avec Immolation et Kreator), l'EP offre un résultat prodigieux allant au-delà des espérances. On y retrouve un rendu ultra agressif digne des premières démos d'Imprecation, mais aussi de la dernière en date, Jehovah Denied (2012) qui présente des similitudes en terme de compositions et de riffs avec Vomitum Tempestas. Il y a une certaine majesté dans les structures, particulièrement quand Elizondo apporte sa touche personnelle aux claviers, et un impact réel, puissant, dégageant un côté maléfique et malfaisant dont l'empreinte est prégnante sur tous les morceaux. Enfin, le travail accompli sur les guitares, impeccable dans sa production et son rendement, mérite d'être grandement souligné ici. Malgré les drames qu'il a traversés, Imprecation montre sur cet EP que des événements les plus terribles peuvent naître des miracles que seule la musique peut nous offrir.


LES ARCHIVES DE LA CRYPTE - ÉPISODE 36


Chaque lundi, Ravage Cérébral explore les profondeurs les plus obscures et malsaines de la scène death metal underground en évoquant la mémoire de groupes disparus, oubliés, ressuscités ou toujours en activité depuis leurs débuts.

Excruciate - Mutilation of the Past (1990) :
Trois ans avant Passage of Life, album qui allait devenir une référence du death metal européen mais aussi, précipiter leur fin, les suédois d'Excruciate signaient une première démo d'une qualité remarquable axée sur un death sombre et malveillant, d'une rare intransigeance. Soutenus par des riffs d'une puissance phénoménale qui n'étaient pas sans rappeler les premiers enregistrements de Deicide, des morceaux comme Eternal Incubation, Inhumation Postnatal ou Bubonic Plague prenaient une dimension macabre et horrifique d'une intensité extraordinaire tandis que le groupe avait dans le même temps cette capacité à s'épanouir dans des passages plus techniques sur Slow Death, par exemple, ou Beyond the Circle, sans pour autant s'éloigner des racines scandinaves auxquelles il est toujours demeuré fidèle malgré une carrière trop courte. Cette démo était incontestablement la marque d'un grand talent qui allait par la suite gagner en envergure et en ambition sur ce joyau inclassable que serait Passage of Life en 1993.

Revenant - Beyond the Winds of Sorrow (1987) :
Avant qu'il n'intègre Incantation en 1989, John McEntee fut pendant trois ans guitariste de Revenant (aux côtés de Paul Ledney entre autres), groupe fondé à Bergenfield dans le New-Jersey en 1986 et qui durant son existence d'une durée de neuf ans sortit plusieurs démos, des EPs et un album auquel McEntee (second en partant de la droite sur la photo ci-dessus) ne participa pas puisqu'il était déjà partie vers de nouveaux horizons avec Incantation. Parue en 1987 au format cassette, Beyond the Winds of Sorrow, première démo de Revenant, comportait cinq morceaux enracinés dans un death/thrash brut de décoffrage et impitoyable, chanté à très vive allure par le vocaliste et guitariste Henry Veggian qui venait de quitter son groupe d'origine, Regurgitation, au style death/grindcore, et qui allait ensuite brièvement passer par Whiplash en 1993. Cette démo furieuse et malfaisante était l'exemple typique de ce que l'on pouvait écouter de plus extrême à l'époque avec ce mélange de death et de thrash montrant les liens très forts qu'entretenaient encore les deux genres.

Conscious Rot - The Soil (Fight Zone, 1994) :
Ce groupe naquit à Vilnius, en Lituanie, en 1992 et ne vécut que trois ans, laissant quelques démos dans son sillage, dont celle-ci, qui constitue sans doute leur travail le plus abouti. À l'image de leurs voisins lettons de Dies Irae (dont nous parlions dans cet article) ou des mexicains de Cenotaph (que nous évoquions également dans les Chroniques de la fosse), ces gars nous faisaient découvrir un death aux multiples visages, tantôt brutal et sans concession, sur un morceau comme Dirty par exemple, tantôt plus technique et progressif, proche de groupes comme Death, sur des joyaux de créativité comme Post Mortal Wrath, Insane Heritage (très inspiré de la célèbre formation de Chuck Schuldiner) ou Offspring, alors que The Holy Soil dévoilait la face plus expérimentale du combo européen à renfort de flûte et d'une guitare imitant à la perfection le son d'un violon. Un groupe définitivement atypique qui n'eut hélas pas le temps de se développer.

Hecate Enthroned - An Ode for a Haunted Wood (1995) :
Toujours en activité aujourd'hui, le groupe britannique fondé en 1995 allait très vite devenir un sérieux représentant de la scène black metal symphonique et mélodique dès ses premiers enregistrements. Sur cette première démo, qui est en réalité une restauration sous forme d'un EP connu sous le nom de Upon Promethean Shores (Unscriptured Waters), le sextet déployait des trésors de créativité d'un lyrisme exaltant pouvant atteindre des sommets épiques sur les morceaux les plus longs, comme To Feed Upon Thy Dreams ou An Ode for an Haunted Wood, dont la poésie majestueuse ne pouvait être contestée. Le superbe chant du regretté Jon Kennedy, premier vocaliste de la formation, décédé en 2023, était d'une remarquable maîtrise dans les aigus criés et dans des tons plus clairs et plus gutturaux, tout en étant soutenu par une instrumentation digne d'un black metal grandiose et homérique. On comprend pourquoi ce groupe est toujours au top de sa forme malgré le temps qui passe.

Drowned - Viscera Terræ (Black Warcult Productions, 2006) :
Demeuré fidèle depuis ses débuts en 1992 à un death sombre et torturé qui trouvait aussi bien son inspiration chez Tiamat que chez Incantation, Drowned devait aussi son talent à la remarquable complémentarité de ses membres, deux d'entre eux allant plus tard intégrer Necros Christos. Cinquième démo de la formation berlinoise (il faudrait ensuite attendre huit ans pour qu'un premier album sorte enfin avec un lineup différent), Viscera Terræ constitue encore à ce jour un des travaux les plus aboutis de Drowned en terme de production, d'intensité et surtout de noirceur, le morceau Abyssic Dead, They Sing for Me, étant à lui seul un exemple de ce que ce groupe était capable de créer en terme de musique lugubre et malfaisante. Cruellement sous-estimé, Drowned demeure pourtant un acteur incontournable de la scène death metal de par sa rigueur et son inflexibilité à pratiquer un style à l'identité très forte.

VIDÉO : VIDER - PILLAGED, RAPED AND SLAUGHTERED


Alors que son premier album, Strike with Putrefaction, paraissait très récemment chez WolfKult Religion (nous en parlions à cette adresse), Vider, projet de blackened death grindcore en provenance de Suède, en poursuit la promotion avec un clip mis en ligne pour le très violent morceau Pillaged, Raped and Slaughtered. Nous tenons là, à n'en pas douter, un des opus les plus terrifiants qu'il nous ai été donné d'entendre depuis que l'année 2025 a débuté, disons-le sans détour.

dimanche 16 mars 2025

LE COIN DES DÉMOS (16/03/25)


Chaque dimanche, Ravage Cérébral ouvre les portes de l'enfer et s'enfonce dans les bas-fonds les plus insalubres pour y rechercher des groupes récents de metal extrême tapis dans les profondeurs de l'underground.

Wolven Vault - Sword of the Void (2025) :
Sous la direction de Kamil Żerański (alias Nazgul), membre de Funeral Mass, Wolven Vault tente de ressusciter les esprits anciens du black metal des années 90 sur cette première démo composée de quatre titres. En vain. L'artiste ne fait que toucher du doigt la toile qu'il a dressée en se contentant de concevoir des mélodies sirupeuses agrémentées de chants guerriers qui manquent cruellement de souffle, le tout s'achevant par un morceau instrumental au piano inutile et sans la moindre saveur, montrant un manque flagrant d'inspiration. Autant passer son tour et aller voir ailleurs.

Pagan Warlord - Forests of Old (2024) :
Le duo suédois reprend les choses là où elles s'étaient arrêtées sur sa démo parue il y a un an. Dès le premier morceau, Barbarians of the Ancient Order, les chiens de l'Enfer sont lâchés sur les chaumières en flammes dans un déluge sonore digne du black metal le plus radical qui soit. Mais, le groupe n'oublie pas les racines païennes dans lesquelles il puise son inspiration en délivrant du pagan black metal dans la plus pure tradition sur les splendeurs que sont Bloodspell et Wandering in Forests of Old dont les irrésistibles mélodies ajoutent un côté à la fois épique et médiéval. La radicalité du black viscéral et sincère est ensuite de retour sur Necro Fundamentalist qui achève en beauté les derniers survivants. Du grand art noir.

Draugheimen - Draugheimen (2024) :
Dans un registre à peu près similaire à celui de Pagan Warlord, la mystérieuse entité Draugheimen convoque druides et sorciers sous une lune blafarde surplombant les forêts ancestrales. Après une introduction dungeon/synth, place à un black metal old school habité, lugubre et mystique, brillamment exécuté et fidèle à l'esprit des années 90, avec une mention spéciale pour The Fall of Helgor, morceau puissant et inspiré au tempérament guerrier. Un projet à surveiller de près.

Fervent Diabola - Fervent Diabola (2025) :
Première démo de ce projet originaire des États-Unis dont fait partie Heir Abhor, ex-membre de Triumvir Foul et Ash Borer. Après une introduction spectrale exécutée au clavier, le groupe nous embarque dans des contrées inhospitalières en pratiquant avec une précision diabolique un black metal très sombre mélangé à du doom lourd et oppressant. La formule a beau avoir été entendue des milliers de fois, elle parvient néanmoins à produire cet effet ténébreux et déstabilisant propre au blackened doom. L'expérience est d'autant plus réussie que le groupe américain semble posséder une grande maîtrise dans cet art délicat.

Weird Angel - Sado-Reticuli (Upside Records, 2024) :
Il va vous falloir une ouverture d'esprit maximale avant de vous lancer dans l'écoute de cet objet musical non identifié qui pourrait s'apparenter à du black metal très expérimental mélangé à du thrash, du death et d'autres sonorités très aléatoires, voire déroutantes, en lien avec le cosmos et les extra-terrestres. Je sais, cela risque de semer le doute dans votre esprit dit comme ça mais, ce sont les premiers mots qui me viennent, à chaud. Je dois vous avouer qu'au final, je ressors perplexe et moyennement convaincu de cette drôle d'expérience.

TETRAMORPHE IMPURE - NIGHT CHANTS


Projet parallèle de l'artiste italien Damien Dell'Amico, qui fut un temps bassiste de Mortuary Drape, Tetramorphe Impure va dévoiler son premier album, The Sunset of Being, le 18 avril chez Aesthetic Death. Le programme est alléchant, le musicien nous proposant une voyage ésotérique et philosophique dans un style musical entre death metal et funeral doom tel qu'il était pratiqué par les initiés dans les années 90. Si des formations comme Evoken ou le My Dyind Bride des débuts sont votre tasse de thé, Tetramorphe Impure devrait normalement vous intéresser.

SEXMAG - INKUBUS


Fervent disciple d'un death/thrash puisant sa force dans les années 80, Sexmag convoque les esprits maléfiques pour des nuits d'exorcisme et de débauche dont on va certainement se souvenir longtemps sur son premier opus, le très sobrement intitulé Sexorcyzm, qui va paraître le 23 mai chez Dying Victim Productions. Impertinent et satanique jusqu'au bout des ongles, le combo de Silésie déclame ses psaumes blasphématoires sur Inkubus, premier extrait disponible.

samedi 15 mars 2025

LE CULTE DE L'UNDERGROUND : DIVERSES REPRÉSENTATIONS DE L'ENTRÉE DES ENFERS DANS LA MYTHOLOGIE GRECQUE ET CE QUE LE DEATH METAL PEUT NOUS EN DIRE


Pendant très longtemps, les récits des poètes ont alimenté la mythologie grecque et romaine, en particulier ceux d'Homère ou d'Hésiode, sans oublier Virgile, pour ne citer que les plus réputés. Un des plus fascinants est le mythe d'Orphée, si bien déclamé par Virgile, justement, dans les Métamorphoses, son œuvre colossale. Le fils d'Œagre, roi de Thrace, et de la muse Calliope, réalisa un exploit remarquable en devenant l'un des rares mortels à accomplir la catabase, soit la descente du héros dans les mondes souterrains. Pour y accéder, Orphée utilisa sa lyre pour creuser une nouvelle entrée des Enfers afin d'y ramener son épouse Eurydice. S'il parvint jusqu'à elle, après avoir notamment endormi Cerbère, le monstrueux chien à trois têtes qui gardait l'entrée, puis amadoué le dieu Hadès lui-même, maître des Enfers, la suite fut hélas moins heureuse puisque le héros perdit à tout jamais sa bien-aimée sur le chemin du retour (je vous passe les détails du récit que vous pouvez lire à votre convenance). Si le cas d'Orphée demeure une particularité de par la méthode utilisée par le héros pour accéder aux bas-fonds, on trouve dans l'histoire de l'art des représentations plus conventionnelles des Enfers de la mythologie, notamment cette fameuse entrée qui a tant fasciné à travers les âges, autrement dit, le point exact séparant le monde des vivants de celui des morts. En peinture, deux œuvres, parmi tant d'autres, conservent encore aujourd'hui un attrait particulier, tout en étant diamétralement opposées d'un point de vue stylistique et de par l'histoire qu'elles racontent. D'un côté, la toile terrifiante que conçut le peintre néerlandais Jacob van Swanenburgh en 1625, représentant la descente d'Énée aux Enfers après la mort de son père (toile communément appelée La Barque de Charon) telle que la conta Virgile dans L'Énéide. De l'autre, celle plus apaisée (en apparence) de l'artiste belge Joachim Patinier (1480-1524) intitulée Charon traversant le Styx (que le natif de Bouvignes-sur-Meuse acheva l'année de sa mort, tout un symbole). Deux styles, deux écoles, comme on dit. Au chaos indescriptible de van Schwanenburgh (image ci-dessus) dépeignant une entrée telle un capharnaüm au milieu duquel s'entremêlent les corps dénudés que la barque de Charon, le passeur, déverse comme un camion-benne déchargeant des ordures, tandis que l'on distingue Énée au premier plan conduit dans la gueule béante des Enfers par la sibylle, Patinier (voir image ci-dessous) développait une approche typique de la Haute Renaissance nordique avec cette touche supplémentaire qui faisait son identité, notamment par l'utilisation de la perspective d'aspect. Le peintre wallon n'est pas considéré pour rien comme l'un des précurseurs du style paysage. Sous cette optique, la représentation prend une ampleur exceptionnelle que le fleuve Styx, point de passage des Enfers, ici plus majestueux que jamais, scinde en deux parties égales avec, d'un côté cette espèce d'entre-deux mondes où errent les âmes sans sépulture, luxuriant et baigné d'une lumière que l'on pourrait qualifier de divine, et de l'autre, les terres désolées et stériles de l'enfer, livrées aux flammes et à la destruction par lesquelles les morts accèdent par une entrée représentée ici par une tour que Cerbère garde en contrebas. Sur le fleuve, Charon dans sa barque, accompagnant un mort vers sa dernière demeure, apparaît tel que Sénèque le décrit dans sa tragédie Hercule furieux, "vieillard hirsute portant un manteau sale, guidant sa barque avec une longue perche".


Bien évidemment, la peinture n'est que l'un des aspects de l'influence qu'exerce la mythologie grecque et romaine sur l'art. Le cinéma, le théâtre et la musique (la musique baroque et classique en particulier) ont également participé à cet essor. De même que le death metal. Oui, même si le death reste essentiellement cantonné à des thématiques horrifiques ou sociétales, il a su aussi entretenir un rapport très proche à la mythologie. Quelques noms me reviennent en tête, notamment ceux de deux groupes français, vétérans de la scène toujours actifs aujourd'hui, Kronos et Olympus. Le premier, originaire des Vosges où il fut fondé en 1994, possède quatre albums à son actif et se reforma en 2023 après une séparation de plusieurs années. Le groupe s'est beaucoup inspiré de la mythologie grecque dans les paroles de ses chansons en s'appuyant sur l'aspect gore. D'ailleurs, le nom Kronos est directement dérivé du personnage mythologique de la même appellation qui fut roi des Titans de la première génération et se distingua entre autres pour avoir dévoré tous ces enfants nouveaux-nés (il existe à ce sujet une toile célèbre de Rubens, d'une extrême violence). Musicalement, le groupe vosgien se situe dans la branche plutôt old school du brutal death metal.


Olympus, le bien nommé, a poussé l'expérience jusqu'à intituler son premier album Gods. Le groupe nantais fondé en 2020 par des membres et ex-membres de Circles ov Hell est même allé plus loin afin de montrer sa passion pour la mythologie en intitulant tous ses morceaux par des noms de dieux grecs et en adoptant une typographie à la grecque pour son propre nom (allez jeter un œil à la pochette de leur album). Le quatuor pratique un très solide blackened death bien structuré et qui fait son petit effet en conditions live, comme vous allez pouvoir le constater sur la captation ci-dessous.


Partons pour l'Angleterre avec Imperium, un groupe qui s'est taillé une solide réputation dans le milieu de l'underground depuis sa fondation en 2010 à Bristol. Pratiquant un death metal technique qui a gagné en maturité et en prestance sur trois albums très riches, le combo, qui possède dans ses rangs des musiciens d'expérience tels que Janne Jaloma (Dark Funeral) et Zach Jeter (Nile), n'a jamais dévié de sa trajectoire malgré des remous au sein du lineup et n'a jamais renié son attirance pour les lieux et les personnages de la mythologie grecque et romaine. Sur leur second opus, Titanomachy, paru en mai 2016 chez Ultimate Massacre Productions, la formation nous entraînait dans les abysses les plus profondes, à l'image de ces héros grecs descendant aux Enfers dont les légendes étaient racontées par Homère ou Virgile dans des œuvres passées à la postérité. Cet album est probablement le plus abouti des trois.


Dans un registre nettement plus brutal, Erebo possédait également de très bonnes connaissances dans le domaine de la mythologie grecque même si ces brésiliens n'ont pu dévoiler leurs capacités que sur le seul et unique ouvrage qu'ils ont fait paraître à ce jour, une démo intitulée Oath in the Estige's Margin datée de 2005. Le trio fondé en 2003, qui se sépara quatre ans plus tard avant de renaître en 2012, déployait une remarquable ingéniosité directement inspirée de la vieille école du death brutal et technique sur quatre morceaux centrés sur la mort, le chaos et la destruction en lien avec la mythologie, le tout dans un style rugueux et brut de décoffrage qui avait de quoi détonner. Une vraie curiosité.


Finissons en beauté avec un groupe qui s'intéressait sans doute plus à Lovecraft (à ses débuts surtout) et à l'occultisme qu'à la mythologie grecque ou romaine (à moins que), j'ai nommé Sinister. La légendaire formation néerlandaise née en 1988 a sorti un paquet de bons albums, cela ne fait aucun doute, surtout dans les années 90. Si Diabolical Summoning ou Hate demeurent pour beaucoup des références, n'oublions surtout pas qu'il y eut avant ces deux œuvres majeures Cross the Styx, premier chapitre paru en 1992. Le death terrifiant et majestueusement sombre du groupe européen se manifestait dans toute son angoissante envergure, soutenu par un Mike van Mastrigt impérial au chant. Sur le single du même nom, le dernier paragraphe se referme ainsi : Souls drowned in the blood of Oblivion / dragged in the stream of the inflicted access / zymotic slime of substracted skin / into damnation tortured infinity. La mythologie des Enfers vient ici en soutien d'une profonde réflexion sur la mort et sur la fin de toute chose, par un message sans ambiguïté qui nous fait bien comprendre qu'au-delà du Styx, il n'y a pour ainsi dire que le néant.

EXILETH - DEATH OF THE ALMIGHTY


À Erevan, la jeunesse arménienne s'accroche à ses rêves d'un monde meilleur par le biais de la musique. En 2023, quatre jeunes musiciens originaires de la capitale formèrent Exileth. S'en est suivi une démo parue en mai 2024 puis, cette année, un premier album, Death of the Almighty, dont le label Satanath Records assure la promotion et la distribution, conjointement avec Wine and Fog Productions. Sur les onze morceaux qui le composent, l'on découvre le potentiel d'un jeune groupe qui rend hommage aux anciens en pratiquant un death metal old school particulièrement malsain. Un premier jet très prometteur d'une formation qu'il va falloir suivre attentivement.

TYRANNOSATAN - VEMHIR


En 2022, Tyrannosatan débarquait de sa Suède natale avec sous le bras un premier album outrageant et malveillant, Katakombernas Kakofoni, paru chez Jawbreaker Records. Adepte d'un blackened thrash metal sans le moindre compromis et très old school, le trio de Göteborg revient le 2 avril avec un EP dans la même veine, Babylons Skräck, qui va sortir sur le même label. Vous pouvez dès à présent en écouter un aperçu avec le morceau intitulé Vemhir.

GOAT SERPENT - MORS DEORUM OMNIUM


Cofondé en 2013 au Venezuela par Anhell Beleth Crocell (l'homme qui se cache derrière la maléfique entité Malevolencia) et Johan Marin (vocaliste de Nekro Cvlt Desecration), Goat Serpent hante depuis plus de dix ans les couloirs insalubres de l'underground sud-américain en produisant un black metal radical et méphitique à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Le duo passe à l'offensive cette année avec un tout premier opus (enfin, diront certains), Mors Deorum Omnium, qui paraît sur le label Nebular Forest Productions. Old school dans l'attitude, occulte jusque dans les tréfonds de l'âme et satanique jusqu'à l'os, le terrifiant opus est en écoute intégrale en suivant ce lien.

CANCER - AMPUTATE


Figure emblématique du death metal et considéré comme l'un des précurseurs du death/thrash en Europe, Cancer revient avec un septième album, Inverted World, qui sortira le 25 avril prochain chez Peaceville Records et dont l'artwork a été conçu par Paul Groundwell qui n'est autre que le manager général du label britannique fondé en 1981. Avec toujours à sa tête ce sacré John Walker, présent depuis le début de l'aventure et à qui l'on doit des albums cultes comme To the Gory End et Dead Shall Rise, le combo vient de mettre en ligne Amputate, premier morceau extrait de ce nouvel opus, sur lequel sont dénoncées sans ménagement les terribles exactions commises à la fin du dix-neuvième siècle dans l'État indépendant du Congo sous la tutelle du roi des Belges Léopold II. Le death old school de Cancer fait une nouvelle fois mouche, en attendant la suite.

vendredi 14 mars 2025

UNE DOSE DE BRUTALITÉ : VULVECTOMY / AXIOM CHAOS / CHORDOMA / HOSTIA / OMINOUS RUIN


Notre exploration du versant le plus brutal de la scène death metal contemporaine débute chez Comatose Music, label américain bien connu basé en Caroline du Nord qui propose ces jours-ci trois sorties intéressantes, à commencer par Vulvectomy. On ne présente plus le groupe fondé à Bari en 2007, grand spécialiste devant l'éternel du slam death metal qui tache. Un quatrième album studio, Aberrant Vaginal Gestation, va paraître le 11 avril, huit ans après le précédent effort des italiens, Abusing Dismembered Beauties, paru chez Sevared Records et dont la pochette avait choqué les âmes sensibles. Le combo ne perd rien de sa vitalité et de sa détermination à choquer la bien-pensance en produisant du slam death de facture classique, toujours aussi percutant. La preuve avec le morceau sobrement intitulé Analsphyxiation (on fait toujours autant dans la poésie avec Vulvectomy) en écoute à cette adresse. Dans un registre différent, Axiom Chaos sort des ténèbres avec un premier opus, Primacy Arrival, qui paraîtra, si tout se passe bien, le 9 mai, toujours chez Comatose Music, bien entendu. La mystérieuse entité cosmique révèle un premier morceau lugubre et malsain, Extraterrestrial Necrotic Urge, se fondant dans une ambiance lovecraftienne et dont le style s'apparente à du BDM tout ce qu'il y a de plus méchant et violent. Il en résulte une très intéressante mixture laissant présager d'un album massif et terrifiant, c'est en tout cas ce qu'on espère. Bien que fondé récemment, Chordoma possède dans ses rangs trois jeunes artistes expérimentés de par les nombreux projets parallèles sur lesquels ils travaillent au sein de la scène BDM américaine, notamment Nikhil Talwalkar (Bludgeoned, Celestial Bifurcation) dont nous évoquions le talent avec Anal Stabwound dans cet article. Le trio a sorti au début du mois son premier EP éponyme sous la forme de cinq morceaux d'une incommensurable puissance, forgés sur un BDM véloce, virulent et très méticuleux dans ses parties les plus techniques. Vous allez subir un coup d'assommoir terrible à l'écoute de ce mini-album à découvrir prestement sur cette page. Changeons radicalement de créneau avec Hostia. Apparu à Varsovie en 2017, cette valeur montante du death/grindcore tavaille déjà sur son quatrième album studio, Razorblade Psalm, dont la parution est prévue cette année, sans plus de précisions pour le moment. Qu'à cela ne tienne, le groupe a tourné un clip pour le furieux morceau An Empty Grave is Just a Hole in the Ground (c'est tellement bien résumé) que vous pouvez visionner en suivant ce lien. Terminons en beauté avec une référence de la scène BDM californienne, j'ai nommé Ominous Ruin, dont le nouvel opus, Requiem, sortira le 9 mai chez Willowtip Records. Le groupe de San Francisco entre dans une nouvelle ère avec l'arrivée dans ses rangs de la chanteuse Crystal Rose, en remplacement d'Adam Rosado qui a quitté le navire l'année dernière après quatorze ans de bons et loyaux services au sein de cette remarquable entité maîtrisant à la perfection un brutal death metal très technique et particulièrement oppressant. Avec une touche de féminité (et de félinité aurais-je envie de dire), Ominous Ruin déploie l'artillerie lourde dans le clip conçu pour l'excellent morceau Seeds of Entropy que vous pouvez regarder ci-dessous. À la prochaine, si vous êtes encore vivants après avoir écouté tout ça.

INTO THE CRYPT : TARDUS MORTEM - ENGULFED IN PESTILENT DARKNESS


"L'homme ne sait à quel rang se mettre, il est visiblement égaré et tombé de son vrai lieu sans le pouvoir retrouver. Il le cherche partout avec inquiétude et sans succès dans des ténèbres impénétrables", griffonnait Blaise Pascal dans ses Pensées. Est-ce là notre lot à tous que d'être condamnés à errer dans les ténèbres sans véritable perspective d'avenir ? L'auvergnat n'était pas qu'un mathématicien et un inventeur de génie en avance sur son temps (il composa son premier ouvrage à onze ans et conçut la première machine à calculer à l'âge de dix-neuf ans), il se consacra aussi à la réflexion philosophique de par sa remarquable capacité à explorer les fondements de l'âme humaine. Il n'eut d'ailleurs sans doute pas mieux résumé la condition de l'homme par ces deux phrases précitées car, après tout, ne sommes-nous pas, dès notre venue au monde, destinés à nous perdre dans les méandres du temps, marchant au bord d'un précipice dans lequel à tout moment nous pouvons basculer, avec comme seule et unique fin ces insaisissables ténèbres que Pascal évoque ? Vaste et intarissable sujet aux contours flous qui anima longtemps les discussions philosophiques et dont nous ne cernons toujours pas la structure labyrinthique aujourd'hui. Ainsi, c'est par un angle musical que des artistes ont tenté d'en dessiner le plan. De la musique classique au metal extrême, une démonstration par le son s'est opérée dans une tentative audacieuse de percer les ténèbres. Les premières constatations sont alors apparues comme le nez au milieu de la figure. Il n'y aurait, au bout du compte, rien d'autre dans les ténèbres que les ténèbres. Simple et lapidaire, bien que les esprits les plus imaginatifs iraient jusqu'à émettre l'hypothèse de l'existence de dimensions obscures au sein desquelles ne régnerait que l'infiniment rien agrémenté de relents pestilentiels, à supposer que les ténèbres aient une odeur.

Bien des groupes de death metal, que nous n'aurions pas le temps de citer, se sont pleinement investis dans ce sujet et certains, ma foi, s'en sont sortis mieux que d'autres. Ce fut le cas, notamment, de Tardus Mortem, obscure formation danoise née en 2015 dont le premier album, Engulfed in Pestilent Darkness, paru en 2019, constituait (et constitue encore six ans plus tard) une pièce de choix dans l'étude des tourments de l'âme. D'un point de vue purement musical, l'opus s'orientait de façon résolu vers un death metal typiquement scandinave dans sa charpente, sous la forme d'étranges symphonies distordues et dissonantes conçues comme des hymnes d'une noirceur absolue que l'on pouvait, sans trop se tromper, comparer à des cathédrales monolithiques, en des termes imagés. Atmosphérique par intervalles réguliers, mais également lourd comme une chape de plomb et terriblement oppressant, le death pratiqué par Tardus Mortem sur cet album s'attachait également à entretenir des liens viscéraux avec le doom et le black metal sur huit longs morceaux certes complexes dans leur structure générale mais, dont le message était on ne peut plus clair : il n'y a pas d'espoir dans le néant. Aussi impressionnant que terrifiant, le chant guttural venait appuyer cette irrévocable sentence gravée dans la roche. Sans oublier, ces mots que le ressac brutal nous ramenait, comme le mot dark, par exemple (obscurité en français), sous ses multiples déclinaisons (darkness, darkened...). Cette perpétuelle obscurité, ces dimensions inconnues et cet infiniment rien que nous évoquions, Tardus Mortem semblait avoir cette étonnante capacité de les toucher du doigt sur ce disque à l'ambiance brumeuse et cafardeuse. Il en est même angoissant de constater qu'aucune porte de sortie n'était offerte ici, aucune échappatoire, aucune chance de revoir ne serait-ce qu'un zeste de lumière. Tout s'éteignait, tout s'arrêtait de vivre, toute volonté de résistance s'évaporait dans les dédales sombres d'un monde à l'agonie, dans un râle ultime, celui d'un homme en souffrance que l'on entendait hurler de toute son âme au début et à la fin de l'album. À l'ascension, Tardus Mortem opposait le déclin. À l'existence, la non-existence. À l'être, le néant. Rarement vous aurez pu entendre dans votre vie un album de death metal aussi absolu et intransigeant dans sa conception de la mort.