Vous avez certainement déjà connu à maintes reprises ce moment précis où, juste avant d'écouter un album de death metal, vous vous dites que vous allez pénétrer en territoire hostile rien qu'en voyant la pochette. Ce sentiment m'a littéralement pris aux tripes avec Hibernus Mortis lorsque j'ai découvert l'artwork de The Monoliths of Cursed Slumber pour la première fois. Je me suis tout de suite dit que je n'allais pas être ménagé en écoutant ce deuxième opus des américains et cela s'est vérifié de manière implacable. Une fois passée l'introduction instrumentale glaçante et que résonnent les premiers accords de Endless Dawns of Somnanbulant Exorcisms, votre destin est scellé et vous savez que vous allez être soumis à rude épreuve tandis que Cesar Placeres, le vocaliste et batteur de la formation entonne d'une voix caverneuse et sinistre le premier couplet : Starless Skies / In the Night Above / Obscene Nightfalls / In my darkest hour. Des riffs râblés, épais et massifs s'abattent lourdement, tels des mastodontes sur nos frêles épaules et le monde, soudainement, devient froid.
Vingt ans. C'est le temps qu'il a fallu attendre pour voir cet album arriver. Alors que tout espoir semblait perdu, le successeur de The Existing Realms of Perpetual Sorrow, paru discrètement en 2001 en cinquante copies CD, surgissait des limbes sous l'égide du label Blood Harvest. Le terme "discrètement" n'est ici pas galvaudé étant donné que c'est l'adjectif qui convient le mieux à ce groupe fondé en 1996 à Hialeah, commune de l'agglomération de Miami. En effet, au cours de ses dix premières années d'existence, avant qu'il ne se sépare en 2006, Hibernus Mortis fit paraître une démo, Into the Thresholds of Dead Winter, en 1998 puis, le premier opus évoqué plus haut. Cesar Placeres était alors uniquement batteur tandis que le chant était assuré par Ralf Varela. Quatre ans après le split, le groupe se reconstitua mais, ne sortit absolument rien avant The Monoliths of Cursed Slumber. Durant cette période d'atermoiement, le lineup évolue. Yasser Morales réintègre le groupe en 2015 à la basse alors que Randy Piro, passé par Hate Eternal et Kult ov Azazel, en devient le guitariste. C'est avec cet effectif qu'est finalement conçu en 2022 ce second opus à l'interminable gestation.
The Monoliths of Cursed Slumber s'articule sur neuf morceaux d'une noirceur vertigineuse. Pour en saisir toutes les nuances, il faut essayer de se mettre dans la peau d'un personnage arpentant des terres de désolation et cherchant son chemin dans le néant. Pouvant à la fois se rapprocher stylistiquement d'Incantation et d'un death tourmenté à la finlandaise, Hibernus Mortis est une machine techniquement redoutable dans l'exécution, aussi à l'aise sur des rythmiques lentes que soutenues. le quatuor parvient avec une certaine habileté à varier les cadences en s'appuyant sur une production solide et des structures exigeantes qui forcent le respect. Certains morceaux laissent ainsi une impression écrasante et malsaine, à l'image de Vomitus Imperium ou Ascending the Catacombs, tandis que sur d'autres, comme Invocations of Never et To Drink the Blood of the Black Sleep, la noirceur prend une apparence plus occulte, teintée de mystère, mais néanmoins toujours ancrée dans une forme de désespoir agissant comme un cercle vicieux. D'une efficacité à toute épreuve, la section rythmique investit l'espace en prenant une envergure exceptionnelle jusqu'à la conclusion sur laquelle le groupe nous gratifie d'un long passage atmosphérique aux accents horrifiques précédant une chute ultime dans les tréfonds de l'enfer. Le rideau n'a alors plus qu'à se refermer sur un monde décharné que rien ne peut sauver de sa macabre fin.
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