dimanche 5 janvier 2025

LE CULTE DE L'UNDERGROUND : MERCILESS - BEHIND THE REALMS OF THE DARK

Merciless en 1987 durant les sessions d'enregistrement de "Behind the Black Door" avec, à gauche, le premier chanteur du groupe, Kalle Aurenius, qui décédera en 2017.

Continuons à scruter les parutions du label Darkness Shall Rise Productions. Après Desultory et leurs trois démos légendaires que nous évoquions dans un précédent article, place à un autre groupe suédois ayant marqué de son empreinte la fin des années 80 et le début des années 90 (et toujours en activité aujourd'hui), j'ai nommé Merciless. Grâce à un gros travail de restauration mené par le musicien et ingénieur du son allemand Patrick W. Engel, qui est passé par pas mal de groupes comme Cenotaph, par exemple, et Impending Doom, le combo né en 1986 voit ses deux premières démos rééditées sur un même disque que le label teuton précité va faire paraître le 27 février sous son empreinte en trois versions physiques allant du CD au vinyle, en passant par la cassette audio, selon la même formule, tout compte fait, que pour le Darkness Falls (The Early Years) de Desultory.

La différence par rapport à Desultory est que nous rentrons ici au cœur même de ce qui fait l'histoire du death metal suédois, Merciless étant apparu pour la première fois en 1986, trois ans avant Desultory. Si ces derniers ont apporté leur pierre à l'édifice, Merciless a ceci de particulier qu'il peut être considéré comme un des tous premiers groupes underground de death metal à s'élever au pays du death, la Suède. Quand le groupe conçoit ses premiers morceaux, il reçoit le soutien d'un certain Øystein Aarseth, alias Euronymous, qui les signera plus tard en tant que premier groupe sur son label Deathlike Silence Productions sur lequel il éditera en 1990 le cultissime The Awakening, premier album de la formation et chef-d'œuvre intemporel, n'ayons pas peur de le dire.

On retrouvait sur ce premier opus des morceaux sur lesquels Merciless avait déjà travaillé trois ans plus tôt. En effet, à l'été 1987, le groupe se faisait connaître sur une démo 4 titres que beaucoup considèrent encore aujourd'hui, à juste titre, comme une référence absolue du death metal des origines, Behind the Black Door. Empreinte d'une bestialité sans nom, concentré de haine viscérale et ode d'un nihilisme sous-jacent que chaque morceau dévoilait dans toute son abominable splendeur, cette démo inaugurale s'inscrivait d'ores et déjà dans la marque des plus grands de par son approche extrêmement brutale, sombre comme le fond d'un puits aux relents de putréfaction et servie par un death pouvant aller aussi bien vers un black de la vieille école digne d'un Mayhem des débuts que vers un thrash à la sud-américaine baignant à la fois dans le death et le black metal, à l'image d'un Sarcofago du temps de Satanic Lust ou de The Black Vomit. Mais, les suédois n'allaient pas en rester là. Forts de ce premier essai convaincant, ils poursuivaient leur macabre entreprise en dévoilant en 1988 une seconde démo encore plus mémorable, Realm of the Dark, avec toujours cette même envie, ce même objectif de proposer un death/thrash très noir, féroce et qui malgré ses lacunes en terme de qualité sonore, ce que l'on pardonnera aisément pour l'époque, était avant tout l'œuvre d'un jeune groupe porté par un enthousiasme communicatif et même pas échaudé par le fait qu'un changement de vocaliste s'est produit entre les deux démos. Aujourd'hui remises au goût du jour grâce à un travail de restauration ne dénaturant pas ce qui fut à l'origine, ces deux démos de légende représentent plus que jamais une part de l'histoire musicale que le temps a su garder intact.


LE COIN DES DÉMOS (05/01/25)


Chaque dimanche, Ravage Cérébral ouvre les portes de l'enfer et s'enfonce dans les bas-fonds les plus insalubres pour y rechercher des groupes récents de metal extrême tapis dans les profondeurs de l'underground.

Infinte Misery - Lacerated Viscera (2024) :
Ce groupe du Connecticut, composé de deux musiciens, s'inspire beaucoup de Cannibal Corpse, surtout dans l'imagerie. Musicalement, par contre, les deux morceaux figurant sur cette démo, bien que très old school dans l'esprit, s'orientent vers du death de bonne consistance avec quelques parties techniques pas inintéressantes. Rien de novateur à tirer de cet objet, donc, si ce n'est une vraie dévotion pour un death metal sincère et franc du collier.

Cadaverine - Disdain (2024) :
Ce combo en provenance de Finlande nous sert ici un death particulièrement rugueux et d'un instinct primitif que viennent renforcer quelques sections un peu plus mélodiques dans les chorus, surtout sur des morceaux comme A Dead Spirit of Disdain et Morbid Realm, tandis que Rat Race et Syringe Gods sont beaucoup plus brutaux dans leur approche, un peu à l'image de ce que les groupes finlandais proposaient au début des années 90. Excellente démo qui devrait permettre à ce groupe de s'extraire assez vite du peloton.

Myocardectomy - Carnophage (2024) :
Projet canadien originaire de Colombie Britannique, mené par un musicien multi-instrumentiste qui pratique ici du brutal death metal très classique pas vraiment digne d'intérêt puisqu'une simple boîte à rythmes est utilisée pour la batterie. Inutile de s'attarder davantage sur cette démo qui ne laissera aucune trace.

Cacodemon - Deposition (2024) :
Nous voici dans un projet parallèle porté par deux membres du groupe Fleshmass, dont nous parlions dans un précédent coin des démos. Le principe est à peu près le même mais, avec un rendu encore plus crasseux qui donne un vrai côté méchant et malsain au blackened death old school pratiqué par cette formation. Si les ambiances horrifiques vous intéressent, cette démo devrait probablement répondre à vos attentes.

Mercenary - Black Tapes (2024) :
Direction l'Uruguay avec cet artiste qui a sans doute écouté beaucoup de heavy, de speed et de thrash metal quand il était plus jeune. Il a réuni tous ces ingrédients sur cette démo de cinq morceaux démoniaques se vautrant dans le black metal de la vieille école. Un mélange déjà entendu des milliers de fois mais, qui a tout de même le mérite de conserver son authenticité et son aspect true et raw. À écouter avant tout pour le plaisir, sans attendre quelque chose de particulier.

jeudi 2 janvier 2025

LE CULTE DE L'UNDERGROUND : DESULTORY - DARKNESS FALLS (THE EARLY YEARS)


Il est toujours intéressant de pouvoir suivre l'évolution d'un groupe au fil du temps. Prenez Death, par exemple. Album après album, nous avons assisté à la lente maturation d'une formation qui, entre 1987 et 1998, a su accomplir une remarquable métamorphose en délaissant les thématiques horrifiques propres au death metal qu'elle pratiquait à ses débuts pour s'aventurer vers un death aux éléments plus progressifs, introduit sur l'album Human en 1991 et que Individual Thought Patterns viendra parachever deux ans plus tard. En Europe, Desultory a suivi, pour ainsi dire, un cheminement à peu de choses près similaire, bien que dans un style différent de Death. Une trajectoire rendue possible grâce à trois démos majeures qui ont construit la légende du groupe suédois, l'amenant à concevoir l'un des albums de death metal les plus aboutis des années 90, Into Eternity

À ses débuts, Desultory n'est pas si différent de Death. D'ailleurs, on peut même dire que la ressemblance entre les deux combos est assez frappante lorsque la première démo des scandinaves, From Beyond, surgit en 1990. On peut y entendre quatre morceaux d'un death metal directement issu du thrash, à l'interprétation solide, grâce à un lineup de musiciens très complémentaires qu'emmène le chanteur et guitariste Klas Morberg (qui devient rapidement un vocaliste réputé), accompagné de Thomas Johnson à la batterie, Jens Almgren à la basse et Stefan Pöge à la guitare. S'inspirant beaucoup de ses compatriotes de Merciless, le quatuor signe un premier acte étonnant de lucidité pour une introduction, forgé dans un death metal qui ne cède pas un pouce de terrain et reposant sur des fondations que le temps n'a pas érodé, même quand on réécoute cette démo trente-cinq ans plus tard.

Cependant, aucun des quatre morceaux enregistrés sur From Beyond ne figurera sur l'album inaugural qui arrivera en 1993, Desultory décidant d'opérer un changement dont les effets vont être constatés dès leur démo suivante, Death Unfolds, qui paraît en février 1991. Avec un lineup inchangé, le groupe se fond dans des rythmiques plus lourdes mais, en même temps plus promptes à tolérer des éléments mélodiques qui occuperont une place encore plus prépondérante sur Visions, la troisième démo datée de 1992. Sur Death Unfolds, des morceaux comme Passed Away et The Chill Within deviennent de telles références que Klas Morberg et ses acolytes n'hésitent pas à les réenregistrer pour les ajouter plus tard à la tracklist de Into Eternity. En janvier 1992, Visions enfonce le clou grâce, entre autres, à une production beaucoup plus robuste qui va rendre des morceaux comme Forever Gone et Depression intemporels à tel point qu'eux aussi figureront en bonne place sur le premier album. Il n'est donc pas surprenant, au final, que Into Eternity ait été accueilli avec autant d'engouement le 3 février 1993 quand on voit le long travail de gestation accompli en amont depuis From Beyond. Un travail sans doute éreintant qui conduira hélas le groupe vers l'éclatement en 1996 avant une renaissance inespérée treize ans plus tard puis, une seconde mort, définitive celle-ci, en 2017. Il n'en demeure pas moins que Desultory demeure un marqueur important de notre époque dans l'évolution du death metal, au point qu'en avril de l'année dernière, un label allemand, Darkness Shall Rise Productions, eut la brillante idée de préserver la légende en rassemblant sur un même disque, Darkness Falls (The Early Years), les trois démos mythiques de ce groupe hors du commun. Passer à côté d'un tel trésor discographique serait impardonnable.