En 1997, quelques mois à peine après la sortie de son premier album, A Touch of Medieval Darkness, sur Merciless Records, Desaster surprenait un peu tout le monde en dévoilant sur le même label un EP 5 titres intitulé Stormbringer. Le groupe fondé à Coblence en 1988 possédait alors un lineup redoutable composé d'Oliver Martin au chant, Markus Kuschke à la guitare (ces deux-là s'étant partagés le travail pour l'écriture des paroles), Volker Moritz à la basse et Stefan Hüskens à la batterie (qui rejoindra bien plus tard Asphyx). Portés par des critiques souvent élogieuses de leur premier opus, les allemands semblaient résolus à ne pas relâcher leur étreinte avant de commencer à travailler sur leur deuxième LP, Hellfire's Dominion, qui allait sortir en 1998. Desaster était alors dans l'une des ses périodes les plus fastes et les plus inspirées, atteignant des points culminants de créativité qui en faisaient un fer de lance du thrash metal européen.
Dans la droite lignée de A Touch of Medieval Darkness, Stormbringer combine à merveille les éléments du thrash des années 80 avec ceux d'un black metal de la vieille école qui peut aussi bien rapprocher le groupe teuton de Sodom ou Nifelheim que de Venom ou Deströyer 666. Grâce à la qualité remarquable des compositions, ces agencements fonctionnent avec efficacité sur des morceaux guerriers comme The Swords Will Never Sink et Face of Darkness avec en prime un parfum épique capable de prendre beaucoup d'ampleur dans l'instrumentation, notamment sur Stormbringer, superbe pièce sombre et haineuse de six minutes ouvrant en beauté le mini-album.
Dans ses moments les plus créatifs, le groupe sait varier les plaisirs avec une aisance déconcertante. Ainsi, sur des pistes plus courtes et plus rapides, il peut devenir furieusement thrash, comme sur l'excellent Sacrilege ou encore la reprise de folie du Tormentor de leurs compatriotes Kreator, extrait du mythique Endless Pain. Quand l'ambiance se fait en revanche plus lugubre, c'est alors le black metal qui reprend un peu l'ascendant, notamment grâce aux vocalises d'Oliver Martin, mais avec toujours cet esprit thrash que le groupe ne renie pas et qu'il ne reniera d'ailleurs jamais sur les enregistrements qui suivront, de Tyrants of the Netherworld à Angelwhore en passant par Divine Blasphemies. Si vous voulez entendre un groupe qui manie à la perfection les codes du blackened thrash, ne cherchez pas plus loin, Stormbringer de Desaster fera parfaitement l'affaire.
Depuis la nuit des temps, pour ainsi dire, l'Amérique du Sud s'est toujours employée à repousser un peu plus loin les limites de l'extrême dans le domaine du death metal en y incorporant de multiples éléments venant aussi bien du thrash metal que du black metal. Bien des groupes du continent sud-américain s'engagèrent dans la saillie laissée par Sepultura, Sarcofago et Vulcano, notamment au Chili qui allait devenir un des foyers les plus actifs du metal extrême. Porta Daemonium sortit du bois en 2011, bien décidé à apporter sa contribution à cette scène survoltée et subversive.
Toujours en activité aujourd'hui, le groupe de Santiago nous a pour le moment légué un album, Serpent of Chaos, paru le 12 mai 2016 chez Iron, Blood and Death Corporation. De prime abord, et sans grande surprise, on retrouve sur ce disque tout ce qui fait la spécificité et la malfaisance du death metal old school sud-américain. La voix très basse et très gutturale du chanteur, le dénommé Avitchi (qui n'appartient plus au groupe de nos jours) se pose sur des rythmiques à la fois rapides et syncopées selon les morceaux. Porta Daemonium, par exemple, s'attache à gratifier la grande tradition du blackened death de la vieille école comme les formations sud-américaines savent si bien le pratiquer, tout comme To the Left of God, tandis que nous entrons en territoire un peu plus doomy sur A las primordiales serpentes del caos, seul morceau chanté dans la langue de Cervantès. Jusque-là, rien de nouveau, la solidité des compositions étant largement à la hauteur pour compenser l'effet de déjà entendu.
En revanche, le groupe parvient à nous surprendre en déguisant son death metal sous un aspect plus abrupt et bourru sur d'autres morceaux. Ainsi, quand la batterie se fait plus véloce et plus agressive, c'est tout près des frontières du brutal death metal, voire slamming, que nous nous retrouvons à l'écoute des titanesques monolithes de douleur et de ténèbres que sont Via Sinistra, The Blood of the Dark Madness et The Apep's Chaotic Dreams. Très à l'aise dans tous les registres, le groupe se permet même de refermer l'opus par un Under the Sigils of the Fallen Angels dans lequel il mélange toutes ses influences, du death, au black en passant par le doom. Inutile de vous préciser que l'ambiance qui règne dans ce labyrinthe est évidemment très sombre, délétère, les incantations occultes proférées par le vocaliste y étant sans doute pour beaucoup. L'on obtient au final un album qui, bien qu'étant typique de la scène chilienne dans son apparence, révèle des sentiers cachés qui le rendent attractif dans sa conception.
En provenance de Melbourne, Australie, Apocalyptic Consumption est un nouveau venu sur la scène death metal dont on ignore beaucoup de choses pour le moment, si ce n'est que cette maléfique et bestiale entité pratique un slamming death metal brutal auquel on peut goûter sur un premier single intitulé The Antidote of the Gods. On peut imaginer que ce morceau est sans doute précurseur d'un EP ou d'un album à venir. Affaire à suivre.
Callous est le second album de Behold the Slitted Carcass, projet solo de Robert Ogletree, jeune artiste basé au Texas. L'opus fait suite à un premier long jet daté de 2019. Entre les deux disques, l'homme est resté actif en sortant des EPs et des singles. Il nous revient ici avec neuf morceaux ancrés dans un slam/brutal death metal de pur testostérone qui devrait sans doute apporter pleine satisfaction aux amateurs du genre.
En mars de l'année dernière, Sepulchral Whore sortait son premier album, The Return from a Sepulchral Rest, que nous avions d'ailleurs ajouté à notre liste de mentions honorables d'albums death metal de l'année 2024. Voici que le groupe brésilien nous fait la surprise de sortir un clip pour Schizophrenic Killer, morceau extrait du dit album paru chez Excarnation Records.
Activé en 2018 à Atlanta, Metaphobic possède en son sein des musiciens d'expérience qui révéleront le 28 février prochain le fruit de leur collaboration sur Deranged Excruciations, leur premier album à venir chez Everlasting Spew. Sur le morceau Spectral Circle, le groupe dévoile un réel attachement au death metal de la vieille école tout en y incorporant des éléments venant de la dissonance du death moderne. Un savant mélange qui nous rend impatients pour la suite.
Commençons par un petit cours très rapide de géographie du death metal des États-Unis pour les néophytes. Plusieurs foyers sont apparus vers la fin des années 80, notamment l'un des plus importants à Tampa, en Floride, ville où furent fondés Morbid Angel, Deicide et Hate Eternal, pour n'en citer que quelques-uns. Sur la côte Est, l'état de New-York fut également un foyer majeur, tandis que sur la côte ouest, on vit une scène se développer principalement en Californie (Los Angeles, San Francisco) et dans l'état de Washington (surtout à Seattle). Juste en dessous, l'Oregon, avec Portland, apportait sa pierre à l'édifice. Au nord du pays, le Michigan, l'Illinois et plus encore la Pennsylvanie étaient très actifs. Enfin, au sud, le Deep South, globalement, autrement dit les anciens états confédérés de la Guerre de Sécession, disposaient eux aussi d'une grosse réserve. Dans les régions limitrophes, le Texas sortait clairement du lot grâce à un remarquable vivier de groupes qui sévirent principalement pendant la première moitié des années 90. Les énumérer tous prendrait certainement toute une vie alors, prenons-en cinq que l'on pourrait considérer comme des éléments solides de la scène death metal underground de cette région durant cette lointaine période.
Ce serait commettre un sacrilège que de ne pas commencer par Crucifixion. Le groupe fondé à Houston en 1990 est un passage obligé pour tout amateur de death metal qui se respecte, ce pour une raison : celle d'avoir pondu deux albums d'une irréprochable qualité, Desert of Shattered Hopes (le plus réussi selon moi) et Paths Less Taken, parus respectivement en 1993 et 1998 chez Mausoleum Records (pour le premier) et Death Fiend Records (pour le deuxième). Mais, avant ce diptyque, le groupe avait déjà montré un potentiel révélateur sur une démo 5 titres sortie en 1991, A Cold Sea of Horror. Les harmonies tourmentées et la robustesse de la diction figuraient parmi les points forts de cet enregistrement dont certaines intonations rappelaient beaucoup un Immolation période Rigor Mortis ou le Brutality des débuts, si bien que Crucifixion parvint à acquérir une certaine notoriété en dehors des frontières de son état avant qu'il ne disparaisse corps et âme en 1998, soit huit ans après sa naissance.
C'est aussi en 1990 que naquit Azathoth, à Plano, au nord de Dallas. D'ailleurs, le quatuor eut à peu de choses près la même durée de vie que Crucifixion, à un an près, puisqu'il disparut en 1997, soit tout juste le temps de nous léguer deux démos, dont la première, Burn in Desecration, fut publiée par un label local du nom de Ishnigarrab Recordings (à qui l'on doit tout de même le premier EP du groupe Absu) en 1992. Les cinq morceaux de cette démo, dont deux captés en conditions live, se distinguent par une approche plus brutale que Crucifixion, marquée par des alternances entre les passages up tempo et les moments plus lents et plus lourds. Le chant est encore une fois à souligner, à la fois guttural et parfaitement dicté, évoquant parfois le vieux Dying Fetus, bien que le groupe de Baltimore ait vu le jour un an près Azathoth.
Notre voyage au cœur de la scène death metal underground texane des années 90 nous amène maintenant vers Oblation. C'est d'ailleurs un groupe dont on croisera inéluctablement le chemin pour peu que l'on s'intéresse à la scène de cette région des États-Unis. Fondé à Dallas en 1990, ce quatuor s'éteignit sans doute huit ans plus tard, laissant deux démos dans son sillage. La dernière, qui fut éponyme, est datée de 1994 sur l'obscur label Reese Music et contenait trois morceaux. Mais, bizarrement, c'est la plus courte démo de la formation texane, Dead Unborn, qui ne comportait qu'un seul morceau du même nom, qui fit le plus sensation en 1992 puisque le single bénéficia d'un traitement vidéo. Sur des bases musicales solides, reposant sur un death inspiré de celui des groupes de Tampa mais, pouvant aussi lorgner vers du death plus hardcore, le groupe exploitait le thème délicat de l'avortement dans un message revendicatif et sans concession. Une vraie curiosité.
Restons à Dallas avec Disencumbrance, formation à l'existence très courte (1992-1995) bien qu'elle eut la capacité de se reformer en 2013, ne laissant qu'un EP de ce retour provisoire à la vie. La plus belle année de ce groupe est sans doute à situer en 1995, paradoxalement l'année de sa première mort, lorsque parut The Betrayal, sa seconde démo. Pas de place à l'hésitation ici. En dix-sept minutes environ, pour trois morceaux, le combo nous embarquait dans un death au rythme soutenu, bâti comme un bulldozer et assez proche finalement de leur voisins d'Oblation, même si le vieux Cannibal Corpse se ressentait dans les compositions. L'objet avait en plus le mérite d'être plutôt bien produit pour ce type de matériel.
Notre balade texane s'achève par un ultime pied de nez à l'ordre naturel des choses, un affront verbal que les bretteurs des temps anciens auraient probablement apprécié, avec Truncator. C'est encore une fois Big 'D' (surnom que les texans aiment bien donner à Dallas) qui accoucha de ce groupe à l'existence météorique puisqu'il ne fut actif qu'en 1993 et 1994. Le trio, composé de membres très actifs sur la scène locale, conçut une seule démo éponyme qui allait faire sa légende. Trois morceaux d'un death sans fioriture composaient cet objet, trois morceaux torturés, tourmentés, aux guitares coupantes comme des cisailles et sur lesquels s'entrechoquaient la brutalité et le groove, le tout ponctué de parties mélodiques magnifiées par un son de guitare qui avait un côté planant par intermittence. Une drôle démo par un drôle de groupe.
Entité originaire du Chili, Apocalyptic Necroholocaust devrait dévoiler son premier EP, Every Breath is Forgotten, le 24 janvier. L'objet contient quatre morceaux, dont Sworn to the Perished, que l'on peut écouter dès à présent afin de découvrir le blackened death barbare, cryptique et guerrier de cette formation sud-américaine composée de trois musiciens.
Après Rituals of the Red Sun, leur premier album paru en 2023 sur Ungodly Ruins Productions, c'est sur ce même label que les australiens de Dripped proposent leur nouvel EP, Utopia of Euphoric Envisionment. La formule ne change pas avec un brutal death metal de la vieille école dont vous allez pouvoir vous délecter sur le morceau Exodus Indoctrinate.
La Suède a toujours été considérée, fort justement, comme le berceau du death mélodique avec des groupes comme Edge of Sanity, à la fin des années 80, puis In Flames, Dark Tranquillity et At the Gates qui popularisèrent le genre aux débuts des années 90. Cependant, pour d'autres formations de ce pays, le death de Göteborg, comme on avait coutume de l'appeler en référence à la ville où le style s'est le plus développé, était loin d'être une priorité. Leur but était clairement de privilégier une approche moins orthodoxe, plus frontale et plus fidèle aux origines stylistiques du death venant du thrash, du hardcore et du black metal de la vieille école. C'est un peu par hasard, au fil de mes pérégrinations sur la toile, que j'ai découvert deux formations du début des années 2000 qui, durant un temps, ont perpétué à leur manière cette tradition du death metal le plus extrême forgé dans les années 80.
Torture Eternal apparut en 2003 dans une localité de Suède située dans la banlieue nord de Stockholm. Certains membres du groupe possédaient déjà une bonne expérience de la scène metal extrême, notamment Rikard Bjernegård, le chanteur, qui depuis la fin des années 90 traînait dans le milieu fermé du black metal underground. En 2005, le quatuor fit paraître ce qui allait être son seul et unique album, Mentally Killed Before the Birth. De son introduction aux sonorités industrielles jusqu'au dixième et dernier morceau, l'opus était un gros rouleau-compresseur au rythme très soutenu, froid et agressif, typiquement dans la tradition old school fin années 80, début années 90, qu'un chant menaçant et lourd rendait plus malsain encore. L'influence de la scène américaine de Tampa n'était jamais loin sur certains morceaux, comme Alone in Hell Cold, Fuck You et Christianity Denied (grosse inspiration venant des premiers enregistrements de Massacre notamment), même si le groupe était capable de nous surprendre en ralentissant le tempo (Grey Distorted Playgrounds, The Last Gate of Despair), nous entraînant alors au cœur d'un amplificateur de douleur réglé au maximum de ses capacités. L'album dans son ensemble dégageait une telle dureté, une telle rugosité, qu'il était ensuite difficile d'y retourner sans s'être permis un temps de récupération. Une démo du même acabit suivit l'année d'après avant que le groupe ne s'éteigne.
Durant à peu près la même période, en 2002 pour être précis, Verminous apparut dans le sud de la Suède sur les rivages de la Mer Baltique. Né des cendres d'une formation de death metal prénommée Delve, Verminous fut dès ses débuts déterminé à faire trembler les murs avec son death ultra agressif aux racines thrash, proche de formations comme Repugnant, Bastard Priest mais aussi Grave période Corpse. 2003 fut, on peut le dire, la grande année, la plus prolifique en tout cas, de Verminous, avec d'abord un EP sulfureux, Smell the Birth of Death, extrêmement brutal et corrosif, suivi la même année d'un premier opus, Impious Sacrilege, paru le 15 juillet chez Xtreem Music (alors que l'EP était sorti via Nuclear Winter Records). Le quatuor n'amusait pas la galerie. Au-delà du pur aspect musical, violent, vindicatif et brut de décoffrage, son but était clairement de choquer l'opinion en agitant le thème du sentiment anti-religieux. D'ailleurs, Verminous n'hésita pas à pousser plus loin cette rhétorique en dévoilant des pochettes d'albums allant droit au but, notamment sur son second opus, The Unholy Communion, où l'on pouvait voir sur l'artwork une version revisitée de la Cène avec un Jésus et des apôtres comme zombifiés, crachant du sang. L'album sortit en 2013 après un hiatus de huit ans durant lequel le chanteur dût soigner des problèmes d'audition. Ce fut l'un des derniers méfaits du combo suédois avant sa disparition définitive.