Tandis que 2025 fut une année d'agitation politique dans plusieurs démocraties du monde, elle fut dans le même temps, pour le death metal, une année de grand cru, pour reprendre les termes viticoles. Au risque de me répéter tous les ans à la même période comme un vieux 33 tours qui grésille, le death metal ne m'a jamais semblé avoir autant de vitalité alors que le genre, dont les prémices remontent au milieu des années 80, atteint l'âge de quarante ans. Quarante d'expansion, d'évolution, de hauts et de bas, conduisant à ce constat : un death plus vivant que jamais, fidèle à ses racines et respectueux des anciens qui ont permis à l'esprit old school de perdurer. Dans le flot incessants d'informations anxiogènes qui déferlent chaque jour sur nos écrans, considérons cela comme la meilleure nouvelle qui soit arrivée. Avant de se projeter vers l'avant, pour un saut dans l'inconnu, voyons ce qu'il y a à retenir de l'année qui s'achève avec le traditionnel classement des meilleurs albums de death metal parus en 2025, selon Ravage Cérébral :
30 Scorching Tomb, Ossuary, Time To Kill Records
29 Putred, Megalit al Putrefactiei, Memento Mori
28 Toughness, Black Respite of Oblivion, Godz ov War Productions
27 Disrupted, Stinking Death, Trust No One Recordings
Cela fait un petit moment que l'on suit Incarcerated. Le groupe londonien avait fait mouche en 2022 sur son premier EP éponyme qui proposait un thrash metal ultre énergique à la Death Angel avec un soupçon de death metal old school. Place maintenant au premier album, Necrosphere, sur lequel le combo britannique met la dernière touche avant une sortie dont la date devrait être précisée incessamment sous peu. En attendant, un clip très sympa est proposé pour l'excellent morceau Deprived, hymne death thrash propice au stage diving.
On l'attendait avec impatience ce nouvel album d'Eximperitus, tant le groupe biélorusse nous avait convaincus sur ses deux précédents ouvrages parus respectivement en 2016 et 2021. L'attente prendra fin officiellement le 30 janvier prochain avec la sortie sur Willowtip de Meritoriousness of Equanimity dont on peut savourer un aperçu avec The Untimely Fruit of the Unsaid, redoutable morceau de death metal brutal et technique à la fois qui va vous emmener vers des sommets de satisfaction grâce à ses imparables passages mélodiques. À n'en pas douter l'un des gros événements du début d'année 2026.
Revenu d'outre-tombe en 2024, Noirsuaire hante de nouveau les contrées du pays d'Olmes. Désespérément attendu par ses disciples, le prince des ténèbres s'apprête enfin à dévoiler son premier album, The Dragging Poison, qui doit paraître le 26 décembre chez Osmose Productions. Ce sont neuf nouvelles offrandes qui nous seront ainsi offertes dans la lignée d'un black metal sincère, brutal et mélodique qui n'est pas sans rappeler le style underground qui sévissait en France dans les années 90. En attendant la date fatidique, l'artiste propose à l'écoute Fogged by the Leaves of Pestilence, sublime morceau composé en hommage au regretté Nisse Karlén, chanteur de Sacramentum, qui a rejoint le pays des ombres cette année. Une chronique de l'album arrivera bientôt sur ces pages.
Depuis sa Californie natale où il vit le jour en 2022, Septic Fumes commence gentiment à se faire un nom dans le milieu underground grâce à son mélange particulièrement savoureux de death et de grind. Une formule que l'on retrouve sur Mucilaginous Sewage, premier EP du groupe paru conjointement chez Extremely Rotten Productions et Headsplit Records. Simple et efficace.
Wargoat est un groupe tellement underground qu'il ne possède aucun lien sur internet et ça fait vingt que cela dure. Née à Athènes en 2006, la mystérieuse entité a d'abord publié des démos avant d'enregistrer un album, Genesis of Epiklesis, qui vit le jour en 2015 sur l'obscur label japonais Deathrash Armageddon. Depuis, le groupe s'est fait discret, se contentant de quelques rares collaborations, dont une qui fit date en 2018 avec les chiliens de Black Ceremonial Kult, sous la houlette du label madrilène Deathrune Records. Puis, en 2023, la bête sortit d'hibernation avec un EP dans ses crocs acérés, Mysteries of Primitive Damnation, qu'un petit label indépendant brésilien du nom d'Angel of Cemetery Records distribua au format cassette à seulement cinquante copies. Plus underground, tu meurs. La surprise est arrivée ce mois-ci grâce à une réédition de l'EP sur ce même label mais, cette fois-ci en version vinyle.
Maintenant, il est temps de dire les choses : Wargoat a beau être une formation d'une très grande discrétion, elle n'en demeure pas moins un poids lourd de la scène metal extrême underground. Depuis que ces grecs ont commencé à hanter ce bas monde, ils sont devenus des valeurs montantes du style blackened death qui consiste à mélanger la noirceur du black metal à la puissance du death metal old school, le tout baignant dans une ambiance occulte et malfaisante faisant appel à des thématiques allant du satanisme à l'anti-christianisme récitées en des hymnes blasphématoires à ne surtout pas mettre entre toutes les oreilles. Ce qui est d'autant plus formidable avec Wargoat est que cette ligne directrice n'a pas dévié d'un millimètre depuis vingt ans. À ce rythme, ce n'est plus de la passion mais, de la dévotion (terme à manier avec précaution dans ce cas précis). Cette fidélité se voit aujourd'hui fort justement récompensée par cette réédition arrivant à point nommée. La galette contient quatre morceaux courts mais, très intenses, parfaitement calibrés dans un blackened death metal sincère, pur et cauchemardesque, impossible à renier par les amateurs du genre. Vous savez maintenant ce qu'il vous reste à faire.
Il existe deux types de personnes : celles qui se compliquent inutilement la vie et celles qui décident de faire les choses simplement sans se prendre la tête. Vomit fait partie de la deuxième catégorie. Depuis qu'il a débuté sa carrière en 2017 (carrière dont on ignore si elle est en pause ou définitivement achevée), le groupe chilien s'est évertué à faire ce qu'il sait faire le mieux, à savoir prendre du death et du thrash pour mélanger les deux. Après deux démos parus en 2017, le combo franchissait l'année suivante le cap redoutable du premier album avec la parution de Invoker of the Past via le label Deathrune Records. On y découvrait alors le death thrash survolté et très typé old school du quatuor. C'est exactement la même formule, au détail près, qui fut utilisée trois ans plus tard, en 2021, sur l'EP Deathlike Vomit, paru chez Putrid Prods.
Pour bien comprendre ce à quoi nous avons affaire, il faut tout simplement se mettre dans la situation suivante : imaginez que Possessed et Sarcofago se soient acoquinés (ça peut aussi marcher avec d'autres groupes comme Venom, Morbid Saint, Sadus ou Nunslaughter) et qu'ils aient eu un rejeton. Eh bien, voilà, ne cherchez pas plus loin. Vomit, c'est l'alliance parfaite du death et du thrash dans un esprit résolument old school nous ramenant à la fin des années 80 quand les deux styles étaient encore très liés l'un à l'autre. Toute l'énergie du groupe se fait ressentir dès le premier morceau, The Final Judgement, avec son rythme complètement débridé. Les chevaux sont ensuite lâchés à vive allure sur l'explosif Carrion qui flirte avec le blackened thrash, tandis que The Insane nous emmène dans un registre plus death, notamment dans son introduction. Une tendance que l'on retrouve sur Realm of the Goat dont le chorus constitue sans doute l'hymne de ce mini album. Ce rythme infernal est maintenu tambour battant jusqu'à l'explosion finale sur le jouissif Resurrected où l'on sent que les membres du groupe s'amusent comme des fous, sans doute désireux de finir en apothéose. C'est en étant désarmant de simplicité que Vomit parvient à nous surprendre. Reste à espérer que Deathlike Vomit n'était pas le chant du cygne du combo latino.
Le temps est parfois synonyme d'oubli. Tout ce qui appartient au passé peut soit figurer dans les livres d'histoire et ainsi demeurer ancré dans les mémoires collectives, soit être remisé dans un tiroir et prendre la poussière. En 1990, alors que le death metal est sur le point d'entrer dans sa période la plus créative, beaucoup de nouveaux groupes se forment partout sur la planète et commencent à enregistrer des morceaux sous forme de démos. L'effervescence est telle qu'il est difficile pour eux de se faire une place sur l'échiquier, au point que nombre de ces formations auront une durée de vie très courte. Même si d'autres auront plus de chance, leurs premiers enregistrements se noient dans le foisonnement des parutions en finissant par tomber dans l'anonymat. Il faudra alors l'investissement de gens passionnés pour que ce précieux trésor ne soit pas perdu dans les archives labyrinthiques de la musique. Il faut souligner l'importance d'un tel travail car, beaucoup de démos parues à cette époque sont devenues des maillons essentiels, comme des piliers soutenant un édifice. Elles furent le fruit d'un labeur qui a permis au death metal de s'émanciper et d'accomplir son expansion à travers le monde. En extraire dix parmi des centaines ne fut pas chose aisée même si j'ai le sentiment que la sélection qui va suivre reflète à mes yeux la très grande créativité qu'il y avait à l'époque. C'est pourquoi miser sur la Scandinavie me semblait être le choix le plus judicieux, cette région étant historiquement un des épicentres les plus actifs de la scène depuis près de quarante ans. Voici donc dix démos essentielles sorties en 1990 que tout passionné de death metal se doit de connaître impérativement.
Toxaemia - Kaleidoscopic Lunacy :
Étrange destin que celui de ce groupe suédois qui, après avoir débuté en 1989 sous le nom de O.S.S. puis Anguish, sort cette toute première démo en mars de l'année suivante en se faisant appeler Toxaemia avant de mettre un terme à l'aventure en 1991 (le groupe sera finalement relancé en 2017 par deux de ses membres d'origine, Pontus Cervin et Stevo Bolgakoff). Les changements fréquents de lineup avaient sans doute précipité la chute alors que Kaleidoscopic Lunacy constituait pourtant un véritable trait de génie parfaitement inscrit dans la veine du death metal à la suédoise avec ses compositions très consistantes, ses riffs ravageurs et variés et ses impeccables solos. Les plus exigeants pourraient dire qu'il s'agissait avant tout de death générique comme la Suède sait si bien en produire mais, il n'empêche, il y avait là largement de quoi se sustenter ainsi qu'un potentiel qui ne passait pas inaperçu.
Desecrator - Black Sermons :
Restons en Suède avec un groupe qui prenait un malin plaisir à brouiller les pistes. Certes, Desecrator était, dans l'esprit, ancré dans le death metal. Résolument, même. Néanmoins, sur sa deuxième démo parue en novembre 1990, le combo fondé à Göteborg un an plus tôt sous le nom de Striker n'hésitait pas à ajouter à ses compositions des éléments venant du black metal et du thrash, et même parfois, en tendant bien l'oreille, un certain sens de la mélodie. D'ailleurs, il n'est pas étonnant que le groupe se soit ensuite dirigé vers le melodeath, profitant de l'occasion pour changer d'identité en 1991 sous un nom que l'on connait beaucoup mieux, j'ai nommé Ceremonial Oath.
Nephritis - Obeisance to Death :
On part dans un trip différent avec ce groupe finlandais fondé à Turku et dont l'existence n'excéda probablement pas plus d'un an. Dans ce cas, pourquoi en parler ? Tout simplement parce que ceux qui connaissent l'histoire du detah metal sur le bout des doigts et ceux qui, accessoirement, viennent régulièrement sur ce site, savent à quel point la scène finlandaise a une importance capitale dans le développement du style. On retrouve donc sur cette démo sortie en novembre 90 tout ce qui fait la particularité du death finnois : des mélodies tourmentées, des riffs oppressants, des passages lourds et suffocants donnant ainsi cette ambiance très sombre savamment distillée. Les sept morceaux qui composent cette démo constituent par conséquent un témoignage puissant de ce dont la Finlande était capable. On peut juste regretter que l'aventure ne soit pas allée plus loin, même si certains membres du groupe sont toujours actifs aujourd'hui. C'est notamment le cas de Petri Kolkka qui chante pour le groupe Cannibal Accident depuis 2007.
Embryonic - The Land of the Lost Souls :
Nous avons affaire ici à un groupe mythique de la scène scandinave, n'ayons pas peur des mots. Mythique car, y figuraient ni plus, ni moins Ihsahn et Samoth qui allaient cofonder en 1991 un des titans du black metal norvégien, j'ai nommé Emperor. Ici, pas de black mais, bel et bien du death metal pur jus, fortement inspiré par la scène finlandaise sur cette démo 4 titres, la seule que sortira la formation fondée en 1990 dans un petit village du Comté de Telemark, au sud d'Oslo. Un des faits les plus remarquables de cette démo, au-delà du fait qu'il s'y dégage une ambiance d'une noirceur absolue, est le chant d'Ihsahn, très différent de ce qu'il allait proposer par la suite avec Emperor, puisqu'il il adoptait la posture gutturale typique du death metal, au point qu'on est en droit de se demander si c'est vraiment lui qui est au micro. Au final, l'aventure d'Embryonic aura été éphémère mais, ô combien marquante pour une Norvège qui était alors en pleine vague du black metal avec Darkthorne, Mayhem, et consorts.
Obscene - Grotesque Experience :
Retour en Suède avec ce qui fut sans doute le premier groupe du musicien Stefan Källarsson avant qu'il ne parte rejoindre Crypt of Kerberos en 1991 en tant que bassiste. Sur cette seule démo parue en 1990, Obscene pratiquait un death sombre et malsain auquel il ajoutait des éléments encore plus lourds venant du doom metal. Le mélange des deux genres offrait un rendu oppressant sur les trois morceaux proposés et qui s'éloignait des standards habituels de l'époque, pour la Suède en tout cas, même s'il n'était pas si rare de voir en 1990 des groupes s'adonner à ce genre de mixture. Une démo qui compte, donc, même si là aussi, l'existence de ce groupe fut très éphémère, probablement moins d'un an.
Funebre - Demo '90 :
On arrive dans le très lourd, la classe privilège du death metal nordique avec un groupe qu'on ne présente évidemment plus et que beaucoup d'historiens du metal extrême considèrent comme le précurseur du death metal en Finlande avec Abhorrence. En 1989, le quintette avait déjà frappé fort avec Cranial Torment, sa première démo aujourd'hui devenue une pièce de collection. L'année suivante, il pose les fondements de ce que sera son seul et unique album, Children of the Scorn, qui paraîtra en 1991 sur le label Spinefarm Records. Sur sa deuxième démo, le groupe finnois assommait la concurrence en l'espace de dix minutes sur trois morceaux taillés dans la roche, brut de décoffrage dans leur conception et dégageant l'ambiance la plus cauchemardesque qui soit. Un peu à l'image de Nephritis, évoqué plus haut, tout ce qui fait la sève du death finlandais était réuni sur ces trois compositions très sombres. C'était plus noir encore, plus malsain, que ce qu'allaient proposer d'autres formations de talent issues de Finlande comme Convulse, Demigod ou Demilich. Funebre ne savait sans doute pas à l'époque qu'il allait devenir une source d'inspiration pour beaucoup. La séparation n'en fut que plus cruelle en 1991.
Anguish - Last Grimace :
La Finlande encore, avec Anguish, dont l'une des particularités est qu'il fut le premier groupe à signer chez le label Avantgarde Records (qui s'appelait à l'époque Obscure Plasma). Vous avez dit obscur ? C'est l'adjectif qui convenait sans doute le mieux à cette formation fondée en 1989 et qui, dès sa première démo, frappait très fort avec son death tourmenté plutôt inspiré par le thrash metal, ce qui n'était pas banal durant cette période pour un groupe basé en Finlande. On peut dire que le quatuor représentait un gage de diversité et qu'il était la preuve que le death finlandais ne se résumait pas uniquement à une histoire de lourdeur et de mélodies torturées. Une démo assez insolite, au final, et qui méritait largement sa place dans cette sélection.
Sentenced - When Death Joins Us :
Avant qu'il n'entre dans la légende avec Shadows of the Past, album faisant toujours de nos jours l'objet d'un véritable culte et qui figure sans doute dans le club très sélect des meilleurs albums de death metal de tous les temps (rien que ça) et avant qu'il n'embrasse les rivages du gothic metal, le groupe finlandais fondé en 1988 sous le nom d'Utmost Deformity faisait paraître le 10 novembre 1990 sa toute première démo. Déjà, on y décelait un potentiel énorme qui présageait du meilleur pour la suite. Vocaux hargneux, rythmiques percutantes, compositions assises sur une base solide, le combo se démarquait de ses pairs en adoptant une position sans doute plus proche de Pestilence et de Bolt Thrower. Ce groupe était décidément unique en son genre, surtout quand on voit l'étonnante direction qu'il a prise par la suite, amenant à son extinction en 2005.
Exhumed - Obscurity :
Né en 1990 à Stockholm, ce groupe, qui se fera ensuite appeler Morpheus, comptait notamment dans ses rangs Johan Bergebäck et Sebastian Ramstedt qui allaient plus tard gonfler les rangs de Necrophobic, Bergebäck ayant également fait partie, pendant une courte période, de Dismember. Quant aux autres membres, on les retrouve aujourd'hui dans des projets comme Ordo Inferus, Malfeitor ou In Aphelion. Obscurity fut la seule démo d'Exhumed, parue en octobre 1990. On retrouve sur les trois morceaux qui la composent tous les ingrédients de la première vague de death metal suédois de la fin des années 80 avec des blastbeats à vous pulvériser le cerveau et un chant rugueux de David Brink (qui fit un bref passage chez Excruciate). Le groupe s'éteignit en 1993 après que chacun décidait de partir dans sa propre direction. Dommage car, le talent était là, à n'en pas douter.
Necrophobic - Slow Asphyxiation :
Puisque nous évoquons Necrophobic, voici une pièce de collection avec la seconde démo du groupe formé à Stockholm en 1989, et parue en mars de l'année 1990. Le combo était très différent de celui d'aujourd'hui, composé de trois membres : Stefan Zander au chant et à la basse, David Parland à la guitare (qui se suicida en 2013) et Joakim Sterner à la batterie (seul membre originel toujours présent dans l'effectif actuel). Sur cette démo, on était encore loin du blackened death qui allait être pratiqué plus tard, même si l'on pouvait en sentir les premières influences sur des morceaux comme Realm of Terror ou Retaliation. Cependant, c'était globalement du death suédois très calibré, créatif, sombre et qui allait véritablement lancer la grande épopée de ce groupe hors-norme. Bref, un disque à posséder.
Parler de Mortis Dei revient à faire un bond dans le temps, comme si l'on était à bord de la DeLorean du docteur Emmett Brown. Le saut est vertigineux puisqu'il nous fait remonter près de trente-cinq ans dans le passé, en 1992 pour être précis, année de naissance du groupe polonais dans la ville de Bydgoszcz, au nord-ouest de Varsovie. Fidèle, dès le début de sa carrière à un death metal de la vieille école, Mortis Dei n'allait pas tarder à se tailler une solide réputation dans le milieu underground, même s'il aura fallu attendre dix ans pour qu'un premier album paraisse en indépendant, The Loveful Act of Creation, reconnaissable à sa pochette représentant le dos d'une femme nue. Le groupe allait ensuite transformer l'essai sur deux autres albums plus sombres, My Lovely Enemy en 2006 (où l'on retrouve la femme nue, cette fois-ci allongée devant la porte d'un four crématoire) puis, Last Failure en 2009. Mortis Dei va alors entrer dans une période de turbulences à cause d'incessants changements de lineup, notamment au chant, au point qu'aujourd'hui, Grzegorz Zaremba, le bassiste, est le dernier membre originel de la formation. Si un quatrième opus, Salvation Never Comes, a pu voir le jour en 2014 sur le label Metal Scrap Records, un silence de plomb s'est installé par la suite jusqu'à ce mois-ci où The Bringers of Death est arrivé via Black Flame Rebellion.
Dès la première écoute, le verdict est sans équivoque. Mortis Dei a vieilli et, pas forcément en bien. Il faut dire que le défi était redoutable après un hiatus de onze ans. Avec une base rythmique totalement renouvelée au début des années 2020, tandis que Miroslaw Harenda, le guitariste arrivé en 2004, a endossé le rôle de chanteur (le précédent ayant quitté le groupe en 2024), il s'agissait, en gros, de repartir sur du neuf tout en essayant de conserver cet esprit old school présent depuis le début. Disons-le sans détour, la sauce met du temps à prendre sur The Bringers of Death. Peu inspirés, assez mous et répétitifs, les deux premiers morceaux sont pénibles à écouter avant que The Hunters Conquest ne commence à lancer les hostilités. Mortis Dei retrouve alors, par intermittence, de sa superbe, comme à la glorieuse époque, en distillant un death old school solide et sincère, plus consistant, plus épais, sur des morceaux bien composés comme Ruthless Annihilation, Redemption et Sacrifice. On y retrouve toute la noirceur qui a construit la réputation du combo.
Hélas, ces élans de générosité ne sont que parcimonieux, rendant l'album très inégal dans son ensemble. Si la base rythmique demeure plus que correcte globalement, surtout les guitares qui sont mises en avant dans la production, le chant manque parfois de puissance et de profondeur, faisant ainsi retomber le soufflet. Les lots de consolation n'étant que trop rares sur un album court n'affichant qu'une trentaine de minutes d'écoute, on en sort plutôt déçu avec un sentiment d'inachevé qui prédomine. Une copie à revoir, au final mais, que voulez-vous, tout le monde vieillit et le temps assassin poursuit son travail de sape.
Une statue. Voici ce qu'il faudrait ériger en l'honneur d'Eternal Dirge pour avoir été pendant dix ans un des fleurons du death metal allemand et même européen. Dix ans de carrière seulement, de 1986 à 1996 mais, quelle carrière, dont l'apogée fut atteinte en 1992 lorsque parut sur Hass Produktion le premier opus de la formation, Morbus Ascendit.
L'album était intéressant à plus d'un titre. Véritable pamphlet socio-politique qui n'hésitait pas à attaquer frontalement ceux qui profitent du système, il était non seulement une œuvre à la production impeccable mais aussi, un témoignage discographique puissant qui montrait à quel point le death et le thrash pouvait avoir des atomes crochus. L'exercice de style était poussé jusqu'à son paroxysme, et ce dès les premières minutes d'écoute. Avec une facilité parfois déconcertante, les allemands testaient toutes les possibilités de la créativité musicale en alternant le rythme. Furieusement thrash sur les énergiques Out of the Aeons et The Crawling Chaos, parfaitement équilibré entre death et thrash sur des bijoux d'orfèvrerie comme Exploring the Depths ou We Are the Dead, le groupe était tellement maître de son art qu'il pouvait même se permettre quelques surprenantes digressions sur des compositions plus aventureuses et plus expérimentales, pénétrant sur un terrain death thrash progressif sur Blind Idiot God, tandis que des trésors de technicité venaient se faufiler avec audace dans les cassures de rythme de Sinusitis Maxillaris. Porté par des guitares surpuissantes, un son de basse généreux et une batterie survoltée, Timo Knoff, qui décédera subitement en août 2018, n'avait plus qu'à poser sa voix de stentor pour achever les derniers résistants. Très revendicatif, l'album s'achevait alors par une sentence irrévocable sur l'hymne thrash Evolved Mutations : "Tomorrow is worthless // We are already dead".
Cette strophe était sans doute annonciatrice du désastre à venir puisqu'à l'issue d'une tournée avec Cannibal Corpse en 1996, Eternal Dirge se sépara, non sans avoir sorti un ultime album, Khaos Magick, la même année. Ne restent que les souvenirs et la période glorieuse d'un groupe qui aura tutoyé les sommets grâce à son style inimitable. Tout amateur de death metal old school se doit de posséder un exemplaire de Morbus Ascendit dans sa discothèque.