En 1998, le label italien Scarlet Records, basé à Milan, eut la bonne idée de compiler sur un même support physique les trois démos qu'avait enregistrées entre 1986 et 1992 le groupe suédois Obscurity. L'initiative était d'autant plus louable qu'elle permettait de redécouvrir l'œuvre d'une formation faisant partie des rouages essentiels du death de la fin des années 80. Pour bien comprendre l'importance fondamentale d'Obscurity et le rôle majeur qu'il a joué dans le développement, l'expansion et l'émancipation du death metal en Europe, il faut d'abord remettre les choses dans leur contexte. En 1986, année de parution d'Ovations to Death, la première démo d'Obscurity, le death metal est encore viscéralement très attaché au thrash metal. En gros, le cordon ombilical reliant la mère à son rejeton n'est pas encore coupé. Dans les bacs des disquaires, Morbid Visions de Sepultura, Darkness Descends de Dark Angel, Reign in Blood de Slayer, Beyond the Gates de Possessed dominent les rayonnages, sans oublier Pleasure to Kill de Kreator, Bloody Vengeance de Vulcano ou Hymn to Abramelin de Messiah. C'est au cœur de cette mêlée que débarque de Malmö un trio de jeunes musiciens bien décidés à se faire entendre. Il y avait quelque chose de délétère, de nocif dans Ovations to Death, l'introduction sur la marche funèbre de Chopin étant suffisamment révélatrice du chaos qui allait suivre. Obscurity optait pour une approche très frontale, extrêmement brutale dans son rendu, sur six morceaux féroces et abrasifs où s'entrechoquaient death, thrash et black. On aurait alors juré que Possessed et Morbid s'étaient acoquinés sur cette démo avec le Mefisto et le Sorcery des débuts en invités surprises. L'année suivante, Damnations Pride emprunta les mêmes chemins tortueux avant que la démo de 1992 n'enfonce le clou. Durant cette période de créativité très intense, Obscurity s'attacha toujours à pratiquer un death/thrash direct, sincère et subversif, certes pas nouveau pour l'époque mais, qu'il est intéressant de réécouter aujourd'hui afin de se remémorer à quel point le terme de metal extrême n'était pas usurpé durant ces années cruciales allant de 1986 à 1990. Voilà pourquoi la compilation Damnations Pride du label Scarlet Records demeure un objet essentiel qui nous replonge dans l'histoire et la tradition de ce que l'on appelle encore quarante ans plus tard death metal old school. L'on se rend ainsi mieux compte du rôle prépondérant joué par ce groupe dont l'existence fut longtemps mise entre parenthèses avant que les trois membres d'origine ne se décident à sortir la bête de son sommeil sépulcral en 2006.
Bien plus tard, en 2010, un autre label, suédois celui-ci, To the Death Records, se lança dans une édition vinyle rassemblant deux démos de Mega Slaughter, Death Remains (1990) et la démo sobrement intitulée Demo 1991. Les deux ouvrages étaient intercalés entre l'album Calls from the Beyond, la pièce maîtresse du combo fondé à Göteborg en 1987 sous le nom de Din Loyd, opus d'une rare désinvolture qui parut chez Thrash Records. Mega Slaughter n'abordait pas les choses de la même manière qu'Obscurity. En changeant de chanteur en 1990, le groupe s'éloigna très vite du registre death/thrash de sa première démo, Negative Bitch (1989), pour s'engager sur un chemin résolument death metal avec Death Remains. Le rythme plus lent, le chant guttural et le rendu plus sombre, plus malsain, ouvraient la voie à une orientation musicale plus aboutie, s'éloignant des standards de l'époque par des influences de formations finlandaises telles que Purtenance, Demigod ou Convulse, auxquelles s'entremêlaient des structures qui pouvaient rappeler le Morgoth de la grande époque (période Resurrection Absurd). On peut dire que Mega Slaughter était un exemple parfait de transition vers un death metal pur et dur, comme il était coutume d'en voir entre 1987 et 1991. Tout comme pour Obscurity, au final, c'est un moment de l'histoire du death auquel nous étions conviés ici, que le label To the Death Records a bien fait de reconstituer sous ce format afin de réhabiliter un groupe dont la carrière fut hélas bien trop courte.
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