lundi 15 décembre 2025

LE CULTE DE L'UNDERGROUND : GOMORRAH, À JAMAIS DANS LA LÉGENDE


L'année dernière, le label néerlandais Vic Records avait eu la riche idée de rééditer au format CD le premier album de Gomorrah, Reflections of Inanimate Matter, dont c'était le trentième anniversaire de la parution. Cerise sur le gâteau : en plus des sept morceaux originaux figurait un bonus sous la forme de trois titres supplémentaires issus de la première démo du groupe britannique, Embryonic Stages, sortie en mars 1991 et pour le coup totalement restaurée. Aujourd'hui, c'est le label Northern Silence Productions qui s'y met en proposant un dessert encore plus copieux, à savoir, une réédition vinyle en quatre variantes à paraître le 26 février prochain en seulement cent à deux cents exemplaires selon la variante. L'événement revêt un caractère presque historique puisque jamais l'opus fondateur de la formation de l'Oxfordshire n'avait été édité à ce format.

Pour bien comprendre l'importance de la chose, il faut revenir sur le parcours de Gomorrah. Le groupe eut une carrière très courte, sept ans seulement, de 1990 à 1997 mais, suffisante pour en faire l'une des rampes de lancement du death metal au Royaume-Uni. On peut séparer cette carrière fulgurante en deux temps : celui des démos et celui des albums. Quand Embryonic Stages parait en 1991, Gomorrah est solidement ancré dans le thrash des années 80. Le rythme est ultra rapide, les compositions dynamiques, tandis que les riffs déferlent comme des vagues en furie aussi coupantes qu'harmonieuses. Cependant, le groupe n'est pas pour autant dans un registre exclusivement thrash. Les redoutables vocalises de Sven Olafson sont un indicateur intéressant de l'orientation death que prend Gomorrah dès ce premier enregistrement. Après avoir participé à un split avec plusieurs groupes britanniques dont Reign, Decomposed, Nightlord et Incarcerated en 1992, le quintette renchérit en juin de la même année avec une nouvelle démo, Umbilical Divorce, qui s'inscrit résolument dans le registre death thrash de la précédente. Le rythme ne ralentit pas, bien au contraire, en étant plus proche d'un Possessed période Seven Churches ou bien du Slayer et Sepultura des débuts. Le groupe en profite pour composer un des morceaux les plus créatifs de sa carrière et qui va devenir, en quelque sorte, son hymne (un peu à l'image du Voracious Souls de Death Angel sur The Ultra-Violence), le dantesque Human Trophies, que l'on retrouva plus tard en conclusion de son premier album.

D'ailleurs, des morceaux aussi aboutis, on en retrouve à la pelle sur Reflections of Inanimate Matter. Sorti en 1994 sur un petit label du nom de Megapulse, l'opus dégage une formidable impression de puissance et de maîtrise bien qu'il n'affiche que trente-cinq minutes au compteur. Olafson trouve la plénitude de sa voix rauque et caverneuse en y ajoutant des tonalités plus graves allant vers un son de plus en plus guttural, renforçant ainsi le côté death de l'album même si, bien entendu, le thrash y est encore bien présent. Dans certaines intonations, le chanteur peut même rappeler le Dave Ingram de la grande époque de Benediction. Superbement produit par Paul Johnson (qui travailla justement avec Benediction mais aussi, Vader et Napalm Death), l'album, qui renferme plusieurs joyaux intemporels devenus plus tard des classiques (Rejoice in Flames, Without Trace, Sewer-cide) prend une direction plus obscure que sur les deux précédentes démos. C'est un peu comme si Gomorrah avait franchi une ligne de démarcation entre ses tout premiers enregistrements et celui-ci.

Cette créativité ne se retrouvera pas sur Caress the Grotesque paru deux ans plus tard chez Black Mark Production, le combo décidant de prendre une nouvelle direction en ajoutant des éléments plus groove et un peu plus technique à son death thrash, au point que parfois, voire un peu trop souvent, l'album s'enlise dans une répétitivité lancinante qui le rend nettement moins attrayant que son prédécesseur. Est-ce cela qui aura précipité la fin du groupe en 1997 ? Nul ne le sait. Quoi qu'il en soit, l'aventure s'arrête d'un coup net, laissant un goût d'inachevé. Chacun part dans sa direction avant que Sven Olafson ne finisse par commettre un suicide en 2014. Il reste en guise de témoignage discographique l'opus majeur de 1994, qui fait toujours l'objet d'un culte auprès des collectionneurs de nos jours car, considéré comme un disque historique de la scène death metal britannique du début des années 90. Sa réédition n'en demeure que plus importante.

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