Les thématiques ayant attrait à la médecine, comme la chirurgie ou l'autopsie, ont toujours été récurrentes chez bien des groupes de death metal. À l'heure où Haemorrhage, légende vivante du deathgrind, revient sur le devant de la scène avec la parution prochaine d'un nouvel EP intitulé Opera Medica, il semblait logique de se pencher sur le cas du groupe espagnol fondé en 1991 dont les principales influences se situent dans le milieu artistique, notamment dans la représentation de l'autopsie dans l'art pictural.
Des influences que la célèbre formation ibérique n'hésite pas à mettre en avant de façon très claire sur l'artwork d'Opera Medica, le livret contenant des illustrations truffées de références à des œuvres majeures venant de la peinture, essentiellement du seizième et du dix-septième siècle. L'une des plus marquantes provient de William Hogarth, philanthrope anglais, graveur et peintre dont Diderot ne tarissait pas d'éloges, qui vécut de 1697 à 1764, célèbre pour son autoportrait au chien et sa Satire des mœurs électorales mais, pas que. En 1751, l'artiste né à Londres dévoile une gravure particulièrement violente, The Reward of Cruelty, sur laquelle l'appareil judiciaire de l'époque était représenté de manière très explicite en montrant le sort cruel réservé à des condamnés venant d'être exécutés. Ici, en l'occurrence, après qu'il eut été pendu, un individu est disséqué, avant d'être vidé de ses entrailles par des chirurgiens faisant plus office de bouchers, sous l'œil attentif (ou distrait pour certains) d'un auditoire que domine du haut de son trône un personnage étant identifié sous le nom de John Freeke, président du Collège Royal de Chirurgie. Le côté extrêmement violent de la scène est renforcé par la présence d'un chien, en contrebas, dévorant le cœur extrait de la victime, tandis que sur la gauche, l'on voit des restes humains, crânes et os, bouillir dans une marmite (dont les supports sont eux-mêmes constitués d'os humains), en vue d'être exposés par la suite (on voit d'ailleurs très bien en arrière-plan deux squelettes de condamnés disposés à la vue de tous). Sur Opera Medica, Haemorrhage ne s'est pas privé de reprendre au détail près cette gravure macabre et choquante en y insérant un des membres du groupe, sans doute ce diable de Lugubrious, le chanteur, à moins qu'il s'agisse de Luisma, le guitariste, à la place du président, vêtu de l'uniforme complet du parfait chirurgien psychopathe.
Dans un ordre d'idée à peu près similaire, Haemorrhage est allé chercher des éléments contenus dans des manuels de chirurgie datant pour certains du seizième ou du dix-septième siècle. On retrouve notamment sur Opera Medica une illustration reprise directement dans l'un de ces livres d'anatomie (assez fascinante, soit dit en passant, l'individu pratiquant l'autopsie étant lui-même disséqué). L'image figurant sur Opera Medica se différencie néanmoins par certains aspects, comme l'ajout de deux corps humains dont l'on distingue les entrailles et le système sanguin (représentation typique dans les livres d'anatomie) et, plus surprenant, le même médecin légiste mais, ayant une apparence angélique.
![]() |
Autopsie d'après un manuel datant du 16è ou 17è siècle |
![]() |
L'illustration que l'on trouve sur 'Opera Medica' |
L'imagerie véhiculée par le groupe Haemorrhage étant avant tout très gore, nous ne sommes pas surpris que les espagnols aient opté pour une approche en rapport direct avec ces œuvres souvent incommodantes dont certains artistes de l'époque étaient friands (si l'on peut dire). Incontestablement, c'est surtout au dix-septième siècle que l'inspiration fut la plus florissante sur le thème de l'autopsie avec des peintures décrivant des actes pratiqués en public conçus telles de véritables performances. Beaucoup de ces peintures, comme la célèbre leçon d'anatomie du Dr. Willem van der Meer de Michiel van Mierevelt et de son fils Pieter (datée de 1617 et que vous pouvez admirer ci-dessous), exemple parmi tant d'autres, étaient représentatives d'un goût prononcé pour un style horrifique par lequel les groupes de death metal, dont Haemorrhage, ont toujours été attiré. C'est là le cœur même d'une relation pour ainsi dire intime que le metal extrême et l'art ont toujours entretenus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire