mercredi 18 décembre 2024

CHRONIQUES DE LA FOSSE : SATANIC WARMASTER - EXULTATION OF CRUELTY (2024)


Homme aux multiples projets, Lauri Penttilä, plus connu sous le nom de Werwolf, est aux commandes de Satanic Warmaster depuis plus de vingt-cinq ans. Seul commandant de son navire, à quarante-cinq ans, il est demeuré fidèle à un black metal sincère et sans artifice et l'est toujours aujourd'hui alors que paraît sur le label qu'il a lui-même fondé, Werewolf Records, son septième effort, Exultation of Cruelty. Porté, au début de sa carrière, par des sujets ayant attrait au national-socialisme, l'homme s'est ensuite diversifié en s'intéressant à des thématiques plus classiques comme la guerre, le satanisme, le vampirisme et la lycanthropie, le tout en ne délaissant jamais ce black metal authentique, rugueux et mélodique typiquement scandinave qui a toujours fait sa marque de fabrique. Arrivé bien après la seconde vague de metal noir qui a déferlé depuis la Norvège, pays voisin de sa Finlande natale, il a connu le succès public et l'estime de ses pairs sur des albums majeurs tels que Strength & Honour (2001) et Carelian Satanist Madness (2005) mais, fut aussi critiqué pour son manque d'inspiration sur d'autres disques passables. Si Fimbulwinter lui avait permis de retrouver ses acquis en 2014, Aamongandr, paru il y a deux ans, trahissait un manque d'initiative qui aurait très bien pu entraîner l'artiste vers un point de non retour. Exultation of Cruelty, qui paraît maintenant, allait-il suivre la même pente dangereuse ou permettre à Satanic Warmaster de se réapproprier sa place dans la paysage du black metal ? La réponse à cette question est sans doute marquée par le sceau de l'incertitude.

Satanic Warmaster n'a jamais dévié de sa trajectoire initiale depuis qu'il fut fondé en 1998. S'inscrivant d'abord dans un black brut de décoffrage et primitif (sa toute première démo, Bloody Ritual est un exemple du genre, de même que Strength & Honour), l'artiste a progressivement mis de l'eau dans son vin en rendant son style plus accessible bien que toujours enraciné dans le pur black metal, ce qui dans ce domaine le rapprochait beaucoup de ses illustres compatriotes Sargeist, Horna, Behexen et Goatmoon, sans oublier la légendaire entité venue de l'Illinois, Judas Iscariot, dont on retrouve l'influence très marquée sur A Black Circle of Death, très bon morceau ouvrant ce nouvel album. Qu'entend-on exactement par l'expression rendre plus accessible ? Il suffit tout simplement de suivre l'évolution de l'artiste au fil des ans. Radical et subversif à ses débuts, Satanic Warmaster a doucement opéré une métamorphose qui l'a amené progressivement à inclure plus de parties mélodiques dans ses compositions. Sur Exultation of Cruelty, ces harmonies sont très présentes même si la production a su garder l'aspect rude, glacial et tranchant des premiers enregistrements. À l'écoute, tous les morceaux, huit en tout, se rangent dans cette catégorie, en particulier, les plages sombres et vindicatives que sont I Inhale the Cruelty of Winter's Breath, Harken the Bells of Damnation ou Behold the Infernal Kingdom of Hell. D'un côté, Satanic Warmaster ne perd rien de son authenticité et de son côté guerrier (A Black Circle of Death en témoigne encore) tandis que de l'autre, il rappelle à ceux qui le suivent depuis longtemps et aux non initiés qu'il a mûri et qu'une évolution était nécessaire pour éviter que le gréement ne sombre. C'est là qu'il peut alors s'essayer à des sonorités différentes comme sur l'instrumental Lord of Blood and Darkness (Der Drachenprinz), accalmie bienvenue après la colère non retenue des plages précédentes, avant de conclure sur un très mélancolique et presque désespéré A Dead Rose for a Dying World, plus long morceau de l'album et qui vient ici le conclure sur une note beaucoup plus douce et peut-être aussi plus fataliste.

Cependant, la formule semble avoir ses limites. Sur les huit morceaux, pas un à part l'instrumental n'est inférieur à cinq minutes, la barre des six minutes étant à chaque fois largement franchie et même la barre des dix minutes approchée. Il y a sans doute ici une volonté de la part de l'artiste de laisser le processus créatif s'exprimer dans toute sa plénitude mais, hélas, cette créativité a une fâcheuse tendance à tourner en rond, retombant souvent trop proprement sur ses pattes sans réelle prise de risque. On se lasse ainsi assez vite de As Blood Snarls a Macabre Silhouette, tandis que l'on sombre dans l'ennui à l'écoute de Exhale the Vapor of Starlit Tombs. L'esprit du vieux black des années 90 est toujours là, certes, les braises sont encore ardentes, les voix des anciens se font entendre dans la nuit froide mais, l'esprit s'essouffle, comme une côte érodée par la puissance des vagues. Disons-le clairement, Exultation of Cruelty est loin d'être un mauvais album, bien au contraire. Il contient de bons moments mais, ses fondations sont trop fragiles et son inspiration trop limitée, à quelques exceptions, pour en faire un excellent album de black metal, Satanic Warmaster éprouvant de la peine sur ce disque à trouver un souffle qui semble lui manquer.

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