La branche "ambient" du black metal continue d'attirer les curieux de par sa particularité à rendre le black plus accueillant, pourrait-on dire. Si la formule a tendance à tourner en rond, elle n'en demeure pas moins intéressante lorsque l'ambient et le "raw" black metal, c'est-à-dire le black pur et dur tel qu'il était pratiqué au début des années 90, sous l'influence grandissante de la Norvège, se rencontrent. On peut alors obtenir un subtil dosage balançant avec fragilité entre l'ambiance atmosphérique teintée de mysticisme et d'amertume du black ambient et la rage, les hymnes guerriers, les psaumes sataniques du raw black metal. Il faut juste savoir trouver l'équilibre précaire entre les deux afin d'obtenir une mixture susceptible de tenir la distance.
Propulsé en 2018 par un artiste multi-instrumentiste possédant de nombreux projets parallèles, du nom de Lord Valtgryftåke, Mantiel (que l'on nommera ici sous la dénomination de Mánþiel), s'évertue depuis ses débuts à perpétuer la tradition du genre au travers d'albums qui sont autant de chapitres renfermant des odes sombres et occultes en hommage à l'art noir. Hyperactif, ce chilien a déjà sorti sept albums, dont deux l'année dernière en comptant celui dont il est question ici, Odes Past & Mysticism From the Southern Lands, que le label lituanien Inferna Profundus Records, spécialiste du black underground, a édité. Mánþiel ne cherche pas à réinventer les choses. Son truc, ce sont de longs morceaux approchant ou dépassant les dix minutes, comme de longs et sinueux chemins que le promeneur solitaire arpente par les matins brumeux d'automne, avec pour seuls compagnons les arbres dénudés se dressant tels des spectres figés par le froid. D'un point de vue musical, l'artiste excelle dans la pratique d'un black de la vieille école, aussi radical que glacial, dans lequel il incorpore des éléments mélodiques qui donnent ce côté ambient. Il plante le décor sur un premier morceau au chorus entêtant, Old Sacred Monasteries (Monument of Dead in the Grave) en dosant très bien l'ambient et le black dans une rage contenue, avant que le titre suivant, Nocturnal Palace of the Funeral Circle ne se conclue par une longue plage de clavier mélancolique, tel un poème adressé à la nature ou aux esprits mystiques peuplant les forêts. Si la ritournelle peut éventuellement virer à l'ennui sur Remained a Ghost Forever, dont la longueur (plus de douze minutes) et la répétitivité peuvent lasser, l'homme sait se reprendre en convoquant les entités maléfiques sur le remarquable Ravens of Perpetual Hymns dont les riffs tranchants renouent avec un black plus brutal, plus viscéral. Un changement de cap bienvenu avant un Emissaries of the Past (Ancient Ruins 1675) qui conclut le disque mollement, par une plage instrumentale et acoustique dont l'artiste aurait sans doute pu se passer.
Qu'à cela ne tienne, Odes Past & Mysticism from the Southern Lands contient tous les ingrédients qui permettent d'en faire un album de black metal ambient que les vrais amateurs du style sauront sans doute apprécier, tandis que les néophytes, se perdront, par curiosité, sur ces sentiers serpentant à travers les insondables ténèbres.


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