mardi 4 mars 2025

LE CULTE DE L'UNDERGROUND : CHEMICAL DEATH, LA RECONNAISSANCE TARDIVE D'UN GROUPE CULTE


Entre la fin des années 80 et le début des années 90, une profusion de groupes subversifs et radicaux orientés vers le blackened death metal alimentaient la scène brésilienne. On trouvait parmi eux Necrobutcher, de Florianopolis, Nuctemeron, de l'état du Rio Grande do Sul, et bien sûr Sarcofago, la légende de Belo Horizonte, marqueur essentiel du metal extrême sud-américain qui influença tant d'artistes. Chemical Death étaient quant à eux originaires de Salvador de Bahia où ils furent fondés en 1988 sous le nom de Desolation avant de changer pour Chemical Death, donc. La grande ville du nord-est du Brésil était très active durant cette période grâce à des groupes locaux comme Necrolust, Crucificator et bien entendu les cultissimes Mystifier, ces derniers étant toujours actifs aujourd'hui (au même titre que Necrolust). C'est dans ce contexte de créativité très intense que Chemical Death commence à enregistrer ses premières démos au tout début des années 90. Deux d'entre elles, Agony Screams en juillet 1990 et Satanic Legion en septembre 1991, vont parvenir à se frayer un chemin dans la frénésie des parutions, notamment auprès des aficionados attirés par la radicalité du grindcore européen à la Napalm Death ou Agathocles. Il en résulte un effort supplémentaire qui va conduire le groupe brésilien à la conception d'un album, Times of Inquisition, enregistré en 1993. Hélas, Chemical Death va se heurter à deux problèmes auxquels étaient confrontés beaucoup de groupes de l'époque : d'une part des dissensions internes qui vont à plusieurs reprises faire éclater l'effectif et le recomposer, et d'autre part la difficulté de trouver un label qui lui assurerait un support essentiel pour la promotion de son opus. Ces atermoiements auront au final des conséquences désastreuses conduisant vers une séparation définitive du combo et, de surcroît, la non distribution d'un album qui finit dans les oubliettes.

Beaucoup plus tard, en 2021, un premier miracle se produit. Sous la houlette de Voz da Morte Prod, petit label indépendant basé à Boituva, municipalité de l'état de Sao Paulo, Times of Inquisition réapparaît sur une compilation CD entièrement consacrée au groupe de Salvador, intitulée Tales of Satanic Legion Screams, sur laquelle on retrouve également les trois premières démos de la formation. La cerise sur le gâteau a été posée cette année, grâce à une collaboration entre les labels Nuclear War Now! Productions et Zombi Danz Records qui ont édité Times of Inquisition en version vinyle, actant ainsi la renaissance officielle de cet opus qui erra longtemps entre limbes et purgatoire.

Magistral de bout en bout, Times of Inquisition constitue la pièce maîtresse d'un groupe très inspiré qui possédait la remarquable capacité de condenser sur un même morceau death, black, thrash et grindcore. Le mélange de tous ces styles, fortement influencé par Mystifier et Necrolust, que nous citions plus haut, offre un rendu particulièrement délétère et toxique aux exhalaisons fétides et à l'ambiance maléfique. À eux seuls, des morceaux à l'amplitude très large comme Satanic Legion ou Diabolic Force témoignent de ce dont était capable d'accomplir la virulente scène brésilienne du début des années 90 et de la volonté d'un groupe à faire valser les convenances en créant une sorte de chaos musical repoussant les limites de l'extrême. Voir aujourd'hui sortir de la tombe cet album mort-né qui aurait pu rester prisonnier des ténèbres pendant encore longtemps sans le travail de passionnés procure une émotion d'une rare intensité.

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