Lorsqu'il fait une première incursion dans le cinéma d'épouvante en 1979 avec son film L'Enfer des zombies, le réalisateur italien Lucio Fulci sait qu'il va se heurter à un torrent de réactions négatives. Deux jours avant sa sortie dans les salles obscures qui eut lieu le 25 août, le film fut interdit aux moins de dix-huit ans par la commission de censure italienne avant d'être descendu en flammes par les critiques de cinéma transalpins dès son début d'exploitation, et ce malgré un incontestable succès public (le film finira par rapporter environ trente millions de dollars de recettes au niveau mondial). Véritable temple érigé en l'honneur du gore, qui valut à Fulci la colère de George Romero lui-même qui l'accusa dans une lettre d'avoir surfé sur le succès de La nuit des morts-vivants, s'inspirant des classiques de l'épouvante de la première moitié du vingtième siècle, L'enfer des zombies est tellement truffé de références qu'il déchaîna les passions bien au-delà du cercle du septième art, à tel point que plus de quarante-cinq ans après sa sortie, il continue d'opérer sur le public une sorte d'attrait qui en fait une œuvre définitivement à part.
Le death metal n'a pas échappé à cet engouement. De par les thématiques abordées par le style, qu'il s'agisse de l'horreur, du gore, de l'épouvante ou des zombies, bien des groupes de death metal ont fait référence au film culte de Lucio Fulci. C'est le cas, par exemple, de Putrid Yell, dont le nouvel EP, Labyrinth of Flagellations, vient de paraître via le label Rotter Records. Au tout début de cet EP, une scène d'anthologie de L'enfer des zombies est utilisée en guise d'introduction. Il s'agit de la "séquence de l'œil", une des plus célèbres dans l'histoire des films d'horreur, durant laquelle l'actrice grecque Olga Karlatos (Gloria Mundi, La Dame aux camélias, Purple Rain) a l'œil transpercé par un éclat de bois (la malheureuse finissant ensuite dévorée par une horde de zombies). De quoi se mettre dans l'ambiance avant que Putrid Yell ne lâche les chevaux de l'enfer sur les trois morceaux suivants. Sur des compositions d'une qualité irréprochable, le groupe chilien maintient une ambiance horrifique qui est sa marque de fabrique.
Putrid Yell n'est pas nouveau sur la scène death metal. Fondé en 2012 à Viña del Mar, le groupe sud-américain s'est tout de suite fait remarquer sur du matériel promotionnel, notamment sur When Life Has Ceased, sa seconde démo datée de juin 2013. On vit ensuite les chiliens collaborer avec quelques formations entre 2014 et 2018, notamment leurs voisins péruviens de Profaner ou leurs compatriotes de Soulrot et de Eaten Alive. Il faudra néanmoins attendre l'année 2023 pour qu'un premier album, Consuming Aberration, ne paraisse chez Pulverised Records. Enraciné dans les profondeurs les plus hostiles de l'underground, Putrid Yell continue de cultiver aujourd'hui son goût prononcé pour l'horreur en injectant dans son univers de multiples références au cinéma horrifique des années 70 et 80.
Musicalement, le groupe n'a jamais caché son admiration pour le death metal suédois de la fin des années 80 et du début des années 90. Ainsi, un son caractéristique à la Dismember se retrouve sur cet EP. D'autres formations suédoises très réputées comme Entombed, Carnage, God Macabre ou Mega Slaughter ne sont jamais très loin en terme d'influences, que ce soit pour la section rythmique ou le chant. Putrid Yell assume pleinement ces références en prenant un malin plaisir à raviver cette flamme du death européen de la vieille école, ce qui pourrait sortir de l'ordinaire pour un groupe né en terre sud-américaine où le death possède une identité très forte découlant directement de Sepultura, de Sarcofago ou de Vulcano, pour ne citer que les sommités. Faibles et aisément influençables que nous sommes, nous nous laissons prendre au jeu pour mieux nous faire dévorer par des meutes de zombies avides de chair fraîche.
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