En 1995, Internal Bleeding dévoilait un premier album, intitulé Voracious Contempt, qui allait tellement marquer son temps qu'on peut encore le considérer de nos jours comme l'une des références absolues en matière de slam death metal, voire même un des ouvrages précurseurs du genre (et l'un des plus brutaux de cette période). Trente ans plus tard, on retrouve chez certaines formations actuelles cette propension à pratiquer des suites de demi-tons se référant aux sons dits chromatiques adoptés pour les fameux breakdowns qui sont l'une des principales caractéristiques du slam. Le groupe Voracious Contempt, qui a poussé le mimétisme jusqu'à s'appeler ainsi en hommage direct à l'album culte d'Internal Bleeding, a repris ce vieux concept en récitant parfaitement ses gammes sur Exquisite Suffering, son premier EP.
Le tout jeune groupe texan fondé en 2023 à San Antonio, dans une région où le death a connu une forte expansion par le passé, doit certainement comporter des membres n'ayant pas plus de vingt ans et pourtant, à l'écoute des quatre morceaux constituant ce mini-album, qui fait suite à une démo datée d'il y a deux ans, on a l'impression d'entendre un groupe roulant sa bosse depuis un certain temps. Au-delà de l'indéniable solidité des compositions, dopées par une production n'ayant rien de l'amateurisme, la formation déroule des structures fidèles à l'esprit du slam/brutal death metal tel que le pratiquaient les grands spécialistes américains des années 90 tels que Repudilation, Devourment, Dehumanized et bien sûr Internal Bleeding, référence la plus évidente. Portés par d'impeccables vocaux, aussi réguliers qu'une voix de stentor, les morceaux possèdent une force naturelle ponctuée de breakdowns très savants qui n'ont pas été déposés négligemment, juste pour faire beau. Structurellement, le chromatisme se fond parfaitement à l'intérieur de la charpente pour lui donner sa solidité. L'on sent ainsi sur chaque morceau la volonté du groupe de travailler l'instrumentation jusque dans ses moindre détails avec, en toile de fond, cette ligne directrice dont il ne dévie jamais par respect pour les anciens. Une ligne qui, comme nous l'évoquions plus haut, est clairement old school, ce qui donne à cet EP un charme qu'on ne pourra contester.
L'autre petit plus qui fait également la différence vient sans doute des paroles. Si l'on prend le temps d'y accorder de l'attention, on y trouve une certaine profondeur pouvant paraître assez surprenante pour le style proposé. Certes, Exquisite Suffering, morceau qui a donné son titre à l'EP, demeure tout à fait typique du genre avec son approche résolument gore. Cependant, les surprises viennent des autres morceaux où il est question d'un raisonnement plus profond, presque de l'ordre de l'émotionnel. La souffrance résultant de la perte de l'être aimé est évoquée avec candeur et subtilité sur Eigengrau (que l'on peut traduire par "gris intrinsèque" en allemand, autrement dit la couleur perçue par l'œil humain dans l'obscurité totale), bien que le morceau en lui-même soit bien entendu, et comme il se doit, brutal d'un point de vue musical ; notre rapport fragile à la mortalité et la perte progressive de la raison jusqu'au basculement dans la folie sont mis en avant, respectivement sur Mortality et Crawling Through Delirium. Faut-il y voir la conséquence d'expériences personnelles vécues par certains membres du groupe ? Quoi qu'il en soit, le résultat est assez bluffant au regard du style pratiqué et place Voracious Contempt sur un créneau qui pourrait lui permettre d'occuper une place de choix sur l'échiquier du slam death.
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