Commençons par un petit cours très rapide de géographie du death metal des États-Unis pour les néophytes. Plusieurs foyers sont apparus vers la fin des années 80, notamment l'un des plus importants à Tampa, en Floride, ville où furent fondés Morbid Angel, Deicide et Hate Eternal, pour n'en citer que quelques-uns. Sur la côte Est, l'état de New-York fut également un foyer majeur, tandis que sur la côte ouest, on vit une scène se développer principalement en Californie (Los Angeles, San Francisco) et dans l'état de Washington (surtout à Seattle). Juste en dessous, l'Oregon, avec Portland, apportait sa pierre à l'édifice. Au nord du pays, le Michigan, l'Illinois et plus encore la Pennsylvanie étaient très actifs. Enfin, au sud, le Deep South, globalement, autrement dit les anciens états confédérés de la Guerre de Sécession, disposaient eux aussi d'une grosse réserve. Dans les régions limitrophes, le Texas sortait clairement du lot grâce à un remarquable vivier de groupes qui sévirent principalement pendant la première moitié des années 90. Les énumérer tous prendrait certainement toute une vie alors, prenons-en cinq que l'on pourrait considérer comme des éléments solides de la scène death metal underground de cette région durant cette lointaine période.
Ce serait commettre un sacrilège que de ne pas commencer par Crucifixion. Le groupe fondé à Houston en 1990 est un passage obligé pour tout amateur de death metal qui se respecte, ce pour une raison : celle d'avoir pondu deux albums d'une irréprochable qualité, Desert of Shattered Hopes (le plus réussi selon moi) et Paths Less Taken, parus respectivement en 1993 et 1998 chez Mausoleum Records (pour le premier) et Death Fiend Records (pour le deuxième). Mais, avant ce diptyque, le groupe avait déjà montré un potentiel révélateur sur une démo 5 titres sortie en 1991, A Cold Sea of Horror. Les harmonies tourmentées et la robustesse de la diction figuraient parmi les points forts de cet enregistrement dont certaines intonations rappelaient beaucoup un Immolation période Rigor Mortis ou le Brutality des débuts, si bien que Crucifixion parvint à acquérir une certaine notoriété en dehors des frontières de son état avant qu'il ne disparaisse corps et âme en 1998, soit huit ans après sa naissance.
C'est aussi en 1990 que naquit Azathoth, à Plano, au nord de Dallas. D'ailleurs, le quatuor eut à peu de choses près la même durée de vie que Crucifixion, à un an près, puisqu'il disparut en 1997, soit tout juste le temps de nous léguer deux démos, dont la première, Burn in Desecration, fut publiée par un label local du nom de Ishnigarrab Recordings (à qui l'on doit tout de même le premier EP du groupe Absu) en 1992. Les cinq morceaux de cette démo, dont deux captés en conditions live, se distinguent par une approche plus brutale que Crucifixion, marquée par des alternances entre les passages up tempo et les moments plus lents et plus lourds. Le chant est encore une fois à souligner, à la fois guttural et parfaitement dicté, évoquant parfois le vieux Dying Fetus, bien que le groupe de Baltimore ait vu le jour un an près Azathoth.
Notre voyage au cœur de la scène death metal underground texane des années 90 nous amène maintenant vers Oblation. C'est d'ailleurs un groupe dont on croisera inéluctablement le chemin pour peu que l'on s'intéresse à la scène de cette région des États-Unis. Fondé à Dallas en 1990, ce quatuor s'éteignit sans doute huit ans plus tard, laissant deux démos dans son sillage. La dernière, qui fut éponyme, est datée de 1994 sur l'obscur label Reese Music et contenait trois morceaux. Mais, bizarrement, c'est la plus courte démo de la formation texane, Dead Unborn, qui ne comportait qu'un seul morceau du même nom, qui fit le plus sensation en 1992 puisque le single bénéficia d'un traitement vidéo. Sur des bases musicales solides, reposant sur un death inspiré de celui des groupes de Tampa mais, pouvant aussi lorgner vers du death plus hardcore, le groupe exploitait le thème délicat de l'avortement dans un message revendicatif et sans concession. Une vraie curiosité.
Restons à Dallas avec Disencumbrance, formation à l'existence très courte (1992-1995) bien qu'elle eut la capacité de se reformer en 2013, ne laissant qu'un EP de ce retour provisoire à la vie. La plus belle année de ce groupe est sans doute à situer en 1995, paradoxalement l'année de sa première mort, lorsque parut The Betrayal, sa seconde démo. Pas de place à l'hésitation ici. En dix-sept minutes environ, pour trois morceaux, le combo nous embarquait dans un death au rythme soutenu, bâti comme un bulldozer et assez proche finalement de leur voisins d'Oblation, même si le vieux Cannibal Corpse se ressentait dans les compositions. L'objet avait en plus le mérite d'être plutôt bien produit pour ce type de matériel.
Notre balade texane s'achève par un ultime pied de nez à l'ordre naturel des choses, un affront verbal que les bretteurs des temps anciens auraient probablement apprécié, avec Truncator. C'est encore une fois Big 'D' (surnom que les texans aiment bien donner à Dallas) qui accoucha de ce groupe à l'existence météorique puisqu'il ne fut actif qu'en 1993 et 1994. Le trio, composé de membres très actifs sur la scène locale, conçut une seule démo éponyme qui allait faire sa légende. Trois morceaux d'un death sans fioriture composaient cet objet, trois morceaux torturés, tourmentés, aux guitares coupantes comme des cisailles et sur lesquels s'entrechoquaient la brutalité et le groove, le tout ponctué de parties mélodiques magnifiées par un son de guitare qui avait un côté planant par intermittence. Une drôle démo par un drôle de groupe.
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