jeudi 14 novembre 2024

CHRONIQUE DE LA FOSSE : AGATHISMA - ADVERSARIAL REALITY (2024)


Projet solo de l'artiste multi-instrumentiste Meilki Darmawan, basé à Jakarta en Indonésie, Agathisma débarque avec Adversarial Reality, premier album sur lequel le musicien a tout fait quasiment seul (enregistrement, mixage, mastering), à l'exception de l'artwork pour lequel il s'est fait aider par un artiste du nom de Necro Frost, qui a déjà travaillé avec des formations comme Ashen Tomb, Carcinoid et Leviathan. Long de trente minutes pour un total de six morceaux, l'opus constitue une expérience éprouvante mentalement, sous la forme d'une descente aux enfers s'appuyant sur du death metal caverneux à l'ambiance malsaine.

Cela a beau être le tout premier essai discographique de l'artiste, ce dernier sait y faire pour façonner des paysages de désolation, dont une lune blafarde éclaire timidement quelques aspérités, à l'image de la pochette. Vile Presence est une ouverture offrant une remarquable entrée en matière avec son introduction au clavier avant qu'une instrumentation écrasante ne vienne s'imposer. Revenant par la suite sur Horrendous Ritual et Morbid Symptoms, les deux morceaux les plus longs de l'album, le clavier est un ajout de choix qui joue son rôle pour accentuer l'ambiance horrifique qui se dégage de l'œuvre. L'on sent un artiste impliqué, capable de varier le tempo à sa convenance, rapide, oppressant et cadencé sur Eternal Desolation, Blatant Persecution et le précité Vile Presence, plus lent et scélérat sur les compositions plus longues, pouvant flirter avec le doom. Sur Horrendous Ritual par exemple, les passages plus calmes sont en réalité autant de pièges savamment dosés dévoilant des sentiers labyrinthiques sur lesquels l'on se perd par inadvertance. La lourdeur de la guitare et de la batterie viennent renforcer le côté malfaisant de ce disque, même si, à quelques rares moments, l'on se fait surprendre par quelques sonorités plus mélodiques et bien inspirées.

Cette inspiration, l'artiste indonésien va la chercher essentiellement chez des formations bien connues de la frange expérimentale et avant-gardiste du death metal. On y reconnaît beaucoup les visions apocalyptiques et dystopiques des espagnols d'Altarage, l'horreur abstraite et occulte de Portal, le blackened death/doom oppressant d'Abyssal, la rage d'Ulcerate ou encore les couloirs sombres nés dans l'esprit dépressif et tourmenté de Jef Stuart Whitehead, tête pensante de Leviathan. Autant d'influences que le musicien et compositeur convoque dans des psaumes à la gloire des ténèbres, prononcés sous une forme gutturale dans un style caverneux caractéristique, surtout là pour achever les derniers résistants. Le tout forme un ensemble cohérent, particulièrement glacial et dénué de toute forme d'espoir. Ainsi, Morbid Symptoms s'achève sur un constat direct et très simple par la phrase Strap in and enjoy the Chaos. Ceux qui espéraient (un espoir de fou) voir le bout du tunnel en sont pour leurs frais.

On l'aura compris, Adversarial Reality n'est pas là pour amuser la galerie. L'album, qui révèle bien des complexités, se garde bien de montrer tous les chemins sinueux qu'il possède à tel point qu'une seconde, peut-être même une troisième écoute, s'avéreront nécessaires afin d'en saisir toutes les subtilités (à condition de trouver le courage d'y retourner). L'expérience d'écoute revêt un aspect terrifiant qui aurait pu agir comme un repoussoir, ce qui n'est finalement pas le cas tant l'on se sent transporté dans ce monde de souffrance et de terreur sourde. Cet album ne serait-il pas au final un reflet putride de l'humanité et de la ruine qui l'attend ? C'est probable. Si tel est le cas, Agathisma réussit alors un coup d'essai qui s'apparente ici à un coup de maître.

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