lundi 27 janvier 2025

LE CULTE DE L'UNDERGROUND : DEATH METAL ET CANNIBALISME, UNE RELATION VISCÉRALE


C'est à la fin des années 70 et surtout au début des années 80 que l'on voit déferler dans les salles obscures une vague de films de cannibales dont le réalisateur italien Umberto Lenzi fut l'un des précurseurs avant que d'autres cinéastes, transalpins pour beaucoup, ne lui emboîtent le pas comme par exemple Ruggero Deodato et son célèbre Cannibal Holocaust sorti en 1980. Si le genre a fait son temps et suscite aujourd'hui moins d'intérêt, il est tout de même parvenu à se diversifier grâce au soutien d'un allié assez inattendu, le death metal. L'horreur, le gore et l'épouvante ont toujours fait partie des thèmes de prédilection de nombreuses formations death, donnant ainsi à ce style musical le côté si dérangeant, si provocant et si subversif qui le caractérise. L'imagerie que nous rend le death metal aujourd'hui ne peut passer sans quelques histoires de zombies, de réincarnations, de cimetières ou de tueurs psychopathes. À ce titre, le cannibalisme s'est immiscé dans le death metal, servant ainsi de source d'inspiration à des groupes qui, pour certains, continuent d'utiliser cette thématique de nos jours. Cette relation quasi intime qu'entretiennent les deux genres n'est bien entendu pas récente. Dès le début des années 90, période charnière durant laquelle le death metal est entré dans une phase de créativité très intense, les atomes crochus étaient déjà bien visibles entre le death et le cannibalisme, notamment par le biais du septième art dans lequel des groupes puisaient beaucoup. C'est sur cette période que nous allons nous attarder quelques instants, plus précisément celle allant de 1990 à 1993, en évoquant quelques groupes de death metal underground qui versaient principalement dans ce sujet.

Abiosis naquit à Bradford, en Angleterre, en 1988. Le groupe eut à peine deux ans d'existence après que deux de ses membres, Andrew Craighan et Rick Miah, le quittèrent pour aller rejoindre My Dying Bride (Craighan en étant toujours le guitariste aujourd'hui). Malgré une durée de vie très courte, la formation britannique eut tout juste le temps de produire une démo, Noxious Emanation, qui vit le jour en 1990. Vendue en cassette à l'époque, la démo contenait trois titres d'un death rugueux et primal, notamment un intitulé Human Consumption sur lequel nous était conté une histoire très inspirée des films italiens de cannibales, notamment Cannibal Holocaust et Cannibal Ferox, la cathédrale gore d'Umberto Lenzi. D'ailleurs, les paroles de ce morceau se suffisaient à elles-mêmes :

Captured by cannibals soon to pay the price
stripped down to the flesh
for limbs they eat and slice
bodies hung up naked feel no disgrace
hands and legs tied to a stake
taken to their feasting place

 

En 1991, quatre gosses originaires d'un bled paumé de Pennsylvanie décident de monter un groupe nommé Gehenna. Ce dernier ne vivra pas longtemps, ses membres ayant été appelés par la suite vers d'autres destinées. Certains, par exemple, passèrent par Incantation, notamment le bassiste Joe Lombard (qui commit un suicide en 2012) qui y demeura pendant cinq ans, participant aux albums Blasphemy, Decimate Christendom et Primordial Domination, tandis que le guitariste et chanteur Craig Stiles rejoignit plus tatd Mausoleum (dont il fait toujours partie). Gehenna parvint à générer deux démos, la plus intéressante étant sans doute la première, The Horror Begins..., sur laquelle le cannibalisme occupe une place importante. Musicalement, on était ici dans du bon gros death des familles, bien rythmé, bien gras, porté par les vocaux déjà impressionnants de Stiles qui laissera par la suite sa place à Adam Kegg, lui aussi membre actuel de Mausoleum, sur la démo suivante.


L'histoire de Necrotomy est assez remarquable. Fondé en 1989 à Melbourne, il fut un des premiers groupes de metal extrême à émerger dans son pays jusqu'à être invité en 1991 sur le plateau de la chaîne de télévision ABC Australia durant laquelle il joua un morceau et fut interviewé dans le cadre d'une émission de grande écoute (la globalité du show est disponible sur YouTube). Hormis cette jolie histoire qui fit de Necrotomy le premier groupe de metal extrême à apparaître à la télé australienne, celui-ci légua deux démos, dont l'excellente Orectic Awakening sur laquelle on découvrait, entre autres, l'histoire d'un chirurgien spécialiste du cerveau et adepte du... cannibalisme. Sans surprise, le death pratiqué par les australiens était extrêmement malsain, parfois proche du grind mais, avec de surprenantes parties un peu plus techniques. Le groupe s'éteignit hélas en 1994, non sans avoir laissé une trace de son passage.


En provenance de Norvège où il fut fondé en 1990, Disgorge fit un passage très rapide sur terre, ne laissant qu'une démo comme preuve de son existence, parue en avril de l'année suivante. Et quelle démo. Le trio fait fort avec Morbid Collapse, dont les cinq morceaux primitifs atteignent des sommets de brutalité et d'irrévérence sur un death cradingue de la tête aux pieds, outrageant et saignant, et bien entendu rempli de belles histoires ayant attrait au cannibalisme, comme sur le bien nommé morceau Skilled Cannibalism qui vaut à lui seul le détour. Quel dommage qu'une formation avec un tel potentiel ait quitté la route aussi vite.


Terminons avec des espagnols. Né à Elche tout près d'Alicante, en 1991, Germen attendit la fin du printemps de l'année 1993 pour nous livrer son seul et unique ouvrage discographique, une démo 14 titres du nom de Te Pudres avec que du chant dans la langue de Cervantès. Oui, quatorze titres mais, pour une durée totale de douze minutes montre en main. Il faut dire qu'on était là dans du deathgrind de grande tradition, méphitique à souhait, virulent et sans une once de respect, bien entendu agrémenté d'histoires salaces à tendance cannibale. Le quatuor, dont faisait partie Cristóbal Galán, actuel guitariste de l'entité black/death Noctem, disparut probablement au cours de l'année 1994.


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